États-UnisLe président Biden en premier défenseur du droit à l’IVG
Alors que la Cour suprême américaine se penche sur le fait de rendre l’avortement difficile sur le plan fédéral, le président américain se présente comme le défenseur de ce droit.
Joe Biden, catholique fervent qui n’a pas toujours été un farouche partisan de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), a endossé le rôle de premier défenseur du droit à l’avortement aux États-Unis avec une conviction qui n’empêche pas un sens certain de l’opportunité politique.
Quand elle a lu un communiqué publié mardi par le président démocrate, après des révélations explosives sur les intentions de la très conservatrice Cour suprême, voici ce qui a sauté aux yeux de Morgan Hopkins, l’une des dirigeantes de l’ONG All Above All, qui défend l’IVG. «C’est la première fois, je crois qu’il utilise le mot +avortement+ dans une déclaration, c’est important», déclare-t-elle à l’AFP, en se félicitant de la «réponse forte» du président.
Le choix des mots
En réalité, Joe Biden a déjà utilisé ce mot, mais très rarement, dans des communiqués signés du président – préférant évoquer le «droit des femmes à choisir» ou la «santé reproductive». La réaction de la militante Morgan Hopkins est toutefois révélatrice de la perception laissée par le démocrate de 79 ans, dont la position sur l’IVG a fortement évolué au cours de sa longue carrière politique. Mardi, c’est sans ambiguïté qu’il a qualifié l’accès à l’avortement de droit «fondamental», appelant les Américains à voter pour le défendre aux élections législatives prévues en novembre.
Le site Politico a révélé la veille un projet de décision de la Cour suprême. La haute juridiction s’apprête, selon ce texte, qui n’est pas sa décision finale, à déboulonner une jurisprudence de 1973 garantissant le droit à l’avortement sur tout le territoire. Cela empêcherait des millions de femmes d’accéder à une interruption volontaire de grossesse ou compliquerait leur démarche, en validant des restrictions posées par une moitié des États américains. Mais Joe Biden n’a pas toujours été un farouche partisan de l’accès à l’IVG.
«Tragédie»
L’ancien sénateur avait soutenu en 1982 une tentative législative de contester la célèbre jurisprudence «Roe vs Wade» de 1973. Il a longtemps été hostile à tout financement fédéral pour des IVG et disait encore, en 2006: «Je ne vois pas l’avortement comme un choix ou un droit, je pense que c’est toujours une tragédie» appelant à «se concentrer sur le moyen de limiter le nombre» des interruptions volontaires de grossesse.
Désormais, Joe Biden défend sans faiblir le droit des femmes à choisir, s’attirant les foudres du clergé catholique américain. Devenu président, il a levé des obstacles administratifs et financiers à l’IVG mis en place par son prédécesseur Donald Trump. Et il entend répliquer par la voie administrative et réglementaire à un revirement de la Cour suprême.
Des activistes lui reprochent toutefois de ne pas avoir assez bataillé pour une loi fédérale qui aurait permis de devancer un revirement de la Cour suprême tout en écrasant les législations votées par plusieurs États conservateurs.
«Galvaniser»
La défense du droit à l’avortement «peut galvaniser les électeurs autour de candidats démocrates», estime Carl Tobias, professeur de droit à l’université de Richmond. D’autant que la majorité des Américains est favorable à l’existence d’un droit à l’avortement, selon les récents sondages. Mais dans un pays où les clivages partisans sont devenus insurmontables, cette mobilisation peut aussi être vraie pour les républicains, signale l’universitaire.
Une suppression du droit constitutionnel à l’avortement serait pour eux une victoire historique – et un motif de satisfaction pour Donald Trump, qui a nommé trois des six juges actuels de la Cour suprême, lui imprimant un tournant résolument conservateur. «Il y avait parmi les démocrates un débat idiot pour savoir s’il fallait répondre à la +guerre culturelle+ des républicains. Ce débat a pris fin avec cette fuite dans la presse. Nous n’avons pas d’autre choix que de riposter», a écrit pour sa part Dan Pfeiffer, ancien conseiller de Barack Obama, mardi dans un billet sur internet.