Festival de CannesKatell Quillévéré, le temps de l’émotion
La réalisatrice a présenté son quatrième film «Le temps d’aimer», hors compétition, la cinéaste fait son chemin dans les sélections de festival.
L’heure de la reconnaissance pour Katell Quillévéré ? Pas totalement inconnue mais pas encore dans la lumière, cette cinéaste de l’émotion et des histoires souterraines est présente pour la première fois dans la sélection officielle cannoise.
«Suzanne": 300.000 entrées. «Réparer les vivants": 345.000 entrées. Deux films, deux succès, qui ont fait parler d’elle, sans pour autant faire de la réalisatrice une valeur montante à suivre.
«Je suis peut-être un peu trop discrète et timide», avance-t-elle lorsque l’AFP lui soumet ce paradoxe. Qu’à cela ne tienne, la cinéaste à la longue crinière blonde est en train de prendre sa revanche.
«Le temps d’aimer», son quatrième long-métrage, a été présenté samedi -- hors compétition -- au Festival. La section ? Celle consacrée aux réalisateurs «chevronnés» tels que l’Espagnol Victor Erice cette année ou Dominik Moll l’année dernière.
- «Partie de zéro» -
«La compétition, on en rêve tous, on ne va pas se mentir. C’est l’endroit où on a envie d’être, quelque chose qu’on a envie de vivre mais je suis déjà très contente d’être dans la sélection», assure-t-elle.
«Ce qui est marrant, c’est que, moi, j’ai avancé comme ça, très progressivement. J’ai eu plusieurs films dans des sélections parallèles avant d’atterrir, aujourd’hui, en sélection».
Attentive aux questions, Katell Quillévéré prend le temps de répondre, toujours avec bonne humeur.
Née à Abidjan (Côte d’Ivoire) en 1980, Katell Quillévéré grandit à Paris «dans un milieu socialement aisé mais éloigné du monde de la culture et du cinéma». Étudiante, elle tente d’intégrer la Fémis, prestigieuse école de cinéma, sans succès.
Elle se formera au 7e art à l’université.
«Dans ma famille, personne n’était artiste, raconte-t-elle. «J’ai le sentiment d’être partie de zéro même si j’avais tous les codes sociaux pour réussir».
Son premier film, «Un poison violent», sort en 2010 et reçoit un accueil mitigé. C’est «Suzanne», le récit d’un amour qui emporte tout avec Adèle Haenel et Sara Forestier qui lui apporte une certaine notoriété.
Avant même son premier long-métrage, elle cofonde avec Sébastien Bailly les Rencontres du moyen-métrage de Brive, un festival qui promeut ce format qu’elle estime «délaissé par les festivals».
- «Écrire, j’adore ça!" -
Vient «Réparer les vivants» en 2016, adaptation du best-seller de Maylis de Kerangal, qui raconte une greffe de coeur à toute vitesse. Le film trouve là encore son public et est bien reçu par la critique.
A chaque fois, elle cosigne les scénarios.
«Écrire, j’adore ça !», s’enthousiasme-t-elle. Pendant quatre ou cinq ans, je n’ai fait que ça. Et en même temps, je me suis rendu compte que j’avais besoin de plus".
Romanesques, ses films, suivent souvent un fil conducteur: celui de l’émotion.
«Pour moi, le cinéma, c’est faire peur, faire pleurer, rire. L’expression des sentiments est quelque chose de fondamental, presque d’ontologique», détaille celle qui se dit adepte du cinéma de James Brooks et de Todd Haynes.
Son autre passion, c’est ce qu’elle appelle les «histoires souterraines». Celles qu’un pays ou une famille ne veut pas raconter et qu’il faut «arracher».
Comme lorsqu’elle cosigne en 2022, avec Hélier Cisterne, la série Arte «Le monde de demain» sur la naissance du hip-hop français à travers la rencontre et l’ascension de Kool Shen et JoeyStarr, leaders du duo NTM.
Ce faisant, elle revendique ces destins, ceux d’enfants issus de l’immigration, comme faisant partie de l’Histoire collective du pays.
Si son chemin a jusque-là été semé d’embuches, la réalisatrice estime qu’être une femme dans un milieu où les cinéastes sont encore majoritairement des hommes «n’a pas été un problème».
«Je pense que ma génération, celle autour de 40 ans, a bénéficié du combat féministe des générations précédentes», souligne-t-elle. Reste que si les choses bougent, les disparités de genre demeurent. «Dès qu’on touche à des films à gros budget, il y a beaucoup moins de femmes».