FootballEn Challenge League, le jeu des faux-semblants
Qui sont vraiment Yverdon Sport, Neuchâtel Xamax et Stade-Lausanne-Ouchy? À quelle réalité vont être confrontés les trois clubs romands de deuxième division ce printemps? Tour d’horizon qui peut surprendre, à quelques heures de la reprise.
- par
- Florian Vaney
Le trompe-l’œil se hisse jusque dans le classement. À un point près, Stade-Lausanne-Ouchy, Yverdon Sport et Neuchâtel Xamax sont ex-æquo. À se fier à son intuition première, cela suggère un début de saison plutôt décevant des Neuchâtelois, un petit exploit du néo-promu yverdonnois et un premier tour somme toute dans leurs standards des Stadistes. C’est, en tout cas, la conclusion qu’on pourrait tirer en se basant sur le prestige, ou l’historique plus ou moins récent des trois clubs.
Seulement, s’il existe bien une vérité dans le paysage du football romand d’élite, c’est qu’il s’est méchamment métamorphosé, ces dernières années. Ça tient pour la Super League. C’est encore plus vrai pour son antichambre. Et la transformation s’est produite trop vite, peut-être, pour que l’image que renvoient les trois clubs en question soit en mesure de suivre.
Entre les attentes du public et la réalité s’est creusé une sorte de dissonance. Aujourd’hui, Neuchâtel Xamax est le plus souvent perçu comme le «gros» des trois. Celui qui doit faire régner sa supposée supériorité dans la hiérarchie. Dans les faits, si une lutte à trois se crée pour enrôler un joueur, les Rouge et Noir seront souvent les premiers à se retirer de l’enchère. Parce que la donne a changé. Parce que l’image de «petits» des deux Vaudois n’est pas grand-chose d’autre qu’une façade. Zoom sur trois clubs plus différents qu’on pourrait le croire.
Yverdon Sport
L’été dernier, Yverdon est peut-être devenu le club romand de Challenge League le mieux structuré. Un président qui recule d’un pas, l’engagement du très réputé Marco Degennaro en qualité de manager général (un nouveau poste), plusieurs arrivées dans les bureaux, plus récemment l’intronisation d’Arnaud Vialatte en tant que team manager (censé rendre la vie des joueurs la plus facile possible). La transition Promotion League/Challenge League nécessitait une adaptation, YS s’en est offert une quatre étoiles.
Si l’on parle de terrain, alors les Verts se sont tournés vers Uli Forte, un entraîneur au CV gigantesque et jouissant d’une excellente réputation. Tout en ayant eu le luxe de se permettre de licencier leur ancien coach, une poignée de semaines après avoir prolongé son contrat. Les joueurs? Christian Zock et Mirko Salvi intéressaient bien d’autres clubs. Yverdon a su les convaincre, et c’est aussi une affaire d’argent. Un domaine dans lequel, tant que Mario Di Pietrantonio sera à la barre, YS peut nourrir beaucoup de rêves. Avec lui, et qu’importe leur statut de néo-promu, les Nord-Vaudois sont une puissance de Challenge League. Ce n’est pas qu’un coup de chance s’ils sont quasiment les seuls en Suisse à s’être offerts un camp au soleil cet hiver.
Ces derniers jours, tout en se montrant prudent dans son discours, Marco Degennaro a ouvert la porte à une demande de licence pour évoluer en Super League, la saison prochaine, tout en parlant d’un futur éventuel dans une élite à douze. Cette ambition n’est pas une illusion. Oui, Yverdon Sport peut légitimement se réjouir d’avoir bouclé sa première partie de saison en 7e position. Bientôt, il y serait à l’étroit
Neuchâtel Xamax
C’est la réalité des clubs suisses de devoir se séparer de ses meilleurs joueurs pour survivre. Difficile de reprocher à Xamax de ne pas avoir accepté les quelques centaines de milliers de francs de Lugano pour libérer Maren Haile-Selassie cet hiver. Le cas Louis Mafouta, meilleur buteur du club parti pour Metz, est un peu différent. Il y a le gain potentiel et la réalité à court terme. Si le Centrafricain séduit en Ligue 1, il partira définitivement cet été pour une jolie somme. Si le pari rate, alors Neuchâtel n’aura pas gagné grand-chose, en plus de s’être privé d’un de ses meilleurs éléments tout le printemps. C’est tout l’avantage et le risque d’être presque déjà sauvé… (Kriens fait déjà office de condamné à la relégation.)
L’histoire traduit toute la situation actuelle des Rouge et Noir. Avec Jean-François Collet à la barre, les sous sont comptés. La conséquence, c’est que le club de la Maladière n’offre ni les meilleurs salaires, ni l’encadrement et les «à-côtés» les plus professionnels des trois Romands. Simple exemple: après les soirs de match à domicile, l’équipe ne partage plus un repas ensemble. Un détail, qui n’en est pas un. Et vu que leur synthétique en bout de course n’offre pas les meilleures conditions d’entraînement, les Neuchâtelois souffrent lorsqu’il s’agit de séduire.
Ce que Xamax a que les autres ne possèdent pas, c’est un public nombreux et fidèle. Un public qui a aussi connu les années fastes, donc nourri de cette impression que son équipe n’est pas vraiment à sa place en Challenge League. Entre sa politique sportive, ses choix logistiques et sa situation en Romandie, sans doute y est-elle exactement à sa place.
Stade-Lausanne-Ouchy
Le cliché qui colle aux chaussures des Lausannois se veut plutôt flatteur. Le SLO, c’est cette équipe rafraîchissante, arrivée de nulle part pour mener la vie dure aux gros. Rafraîchissante? Impossible de lui l’enlever, même si toutes les rencontres du premier tour n’ont pas abouti au spectacle attendu. Par contre, le costume d’outsider qu’on lui prête volontiers va vraiment finir par devenir trop étroit.
Stade-Lausanne ne s’en cache même pas: ce qu’il vise, c’est la Super League. Les Lausannois ont pour eux quelques paires d’yeux d’experts lorsque les fenêtres du mercato s’ouvrent, dont celle du directeur sportif Yagan Hirac. Cet homme-là est à la base de quelques très jolis coups ces dernières années, dont l’avènement en Ligue nationale de Zeki Amdouni notamment. Mais surtout, ils possèdent les moyens de leurs ambitions. Le très puissant Vartan Sirmakes n’a pas seulement ouvert les robinets lorsqu’il s’est agi de reprendre le club pour rejoindre la Challenge League. Il lui a donné une chance de continuer à se développer.
La pandémie a peut-être aidé en assouplissant les critères, mais le SLO ne devrait rencontrer que peu de problèmes dans sa demande de licence pour l’élite. La saison dernière, le sésame lui était revenu en première instance. Si une équipe est vraiment attendue au tournant ce printemps, c’est sûrement elle. Qu’importe l’anonymat poli dans lequel elle évolue.