Langage – Le mot romand de l’année est «iel», qui «divise à l’excès»

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LangageLe mot romand de l’année est «iel», qui «divise à l’excès»

Le pronom neutre à l’origine de débats et polémiques est sacré mot romand 2021.

Renaud Michiels
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Renaud Michiels
«Iel» est sacré aux côtés de «certificato», «Impfdurchbruch» et «respect».

«Iel» est sacré aux côtés de «certificato», «Impfdurchbruch» et «respect».

ZHAW

Le mot romand de l’année est «iel», annonce la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW). Il succède ainsi à coronagraben (2020), vague verte (2019) et charge mentale (2018). Mais on peut parier que le choix de «iel» va faire grincer beaucoup de dents, vu la polémique engendrée par Le Robert lorsqu’il avait décidé de l’ajouter dans son édition numérique, il y a trois semaines.

La ZHAW est d’ailleurs manifestement très consciente des vifs débats engendrés, et ils font même partie des raisons de son choix. «En novembre 2021, le pronom iel faisait une entrée fracassante dans le dictionnaire Le Robert, et avec lui un raz-de-marée de positions et d’émotions de part et d’autre de la frontière franco-suisse. Défini comme un «pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre», il interpelle pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce qu’il est très rare d’assister à la naissance d’un mot-outil. En effet, la catégorie des mots grammaticaux (déterminants, pronoms…) est très peu sujette aux néologismes. Ensuite, ce néologisme grammatical cristallise une réflexion sur la langue française, ses normes et ses usages, qui aura marqué l’année 2021: nous pensons ici à la simplification de l’orthographe, qui aura fait couler beaucoup d’encre. Par ailleurs, iel traduit un besoin – exprimé notamment par une partie de la jeunesse – de retravailler le rapport entre langue et identité», explique la haute école.

Un acte militant

Pour la Haute école zurichoise des sciences appliquées, «iel renferme le paradoxe intrinsèque d’avoir été créé dans l’idée d’inclure tous les individus – et pourtant de diviser et polariser à l’excès. Au regard de toutes les discussions qui l’ont précédé, de celles qu’il a suscitées et de celles qui suivront (par exemple sur l’accord des adjectifs), iel est le mot de l’année car il nous confronte au changement et nous invite au débat.»

En France, certains avaient jugé que l’introduction de «iel» dans Le Robert était davantage un acte militant qu’une démarche linguistique. Elle avait été critiquée jusqu’au sommet de l’État. «L’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française. Alors même que nos élèves sont justement en train de consolider leurs savoirs fondamentaux, ils ne sauraient avoir cela pour référence», avait tranché Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation.

Très peu utilisé

De nombreux linguistes avaient aussi fait part de leur désapprobation. À l’image de Bernard Cerquiglini, qui avait jugé pour la RTS que «iel» n’est en fait presque pas utilisé. «Il est très peu attesté, sinon dans des textes militants ou dans des œuvres littéraires expérimentales», avait-il avancé. «Ce mot n’appartient pas – encore – à la langue générale et n’a donc pas à entrer dans un dictionnaire usuel, en un volume». Pour lui, l’introduction d’un pronom neutre remet aussi en cause tout le système du français, «à deux genres».

Précisons encore que les mots «précarité» et «variants» complètent le podium 2021 de la ZHAW. Dans les autres langues nationales, ce sont d’ailleurs des termes liés à la pandémie qui ont été sacrés. En allemand le mot de l’année est «Impfdurchbruch», qui désigne la contamination par le coronavirus d’une personne vaccinée. En italien «certificato», pour le certificat Covid. Et en romanche c’est le «respect», qui devrait davantage régner entre vaccinés et non vaccinés qui est lauréat.

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