Université de GenèveDécouverte de cellules qui pourraient renforcer la lutte contre le cancer
Des chercheurs ont constaté avec surprise que les neutrophiles peuvent soit combattre les tumeurs, soit les favoriser. En favorisant les bons, l’immunothérapie devrait être plus efficace.
- par
- Comm/M.P.
L’immunothérapie consiste à activer des cellules immunitaires (principalement les lymphocytes T) pour qu’elles reconnaissent et détruisent les cellules cancéreuses. Si ce traitement fonctionne très bien chez certains malades, pour qui les résultats vont parfois au-delà des espérances, il reste malheureusement peu efficace dans la majorité des cas. Et les raisons de ces échecs restent encore bien mystérieuses.
Des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE), de la Harvard Medical School et du Ludwig Cancer Center se sont penchés sur les neutrophiles. Ce sont les cellules immunitaires les plus abondantes dans le sang, très utiles lors d’infections ou de blessures car rapidement mobilisables sur la zone touchée où elles libèrent des facteurs antimicrobiens. En revanche, dans le contexte du cancer, leur présence est en général une mauvaise nouvelle car ces neutrophiles favorisent la progression des tumeurs.
Une action positive inattendue
Afin de comprendre leur rôle exact dans le cancer, les scientifiques ont observé ces cellules lors de l’administration de traitements antitumoraux à des souris porteuses de cancer du poumon et de cancer colorectal. Or, dans les tumeurs réagissant bien aux traitements, le nombre de neutrophiles augmentait significativement. «Ces premiers résultats étant en contradiction avec ce que l’on savait du rôle des neutrophiles dans le cancer, nous avons voulu aller plus loin pour comprendre pourquoi», détaille Allon Klein, professeur associé en biologie des systèmes à la Harvard Medical School, qui a codirigé ces travaux publiés ce 30 mars dans la revue «Cell».
Les scientifiques genevois et américains ont alors mis au point des expériences inédites permettant de comparer les traitements anticancéreux réussis et ceux qui ne le sont pas, puis d’analyser individuellement les cellules d’intérêt dans leurs plus fins détails. «Nous avons alors découvert que les neutrophiles sont en fait beaucoup plus diversifiés qu’on ne le pensait auparavant: ceux que nous observons lors de la réponse de l’organisme aux immunothérapies, très différents de ceux détectés dans des tumeurs en progression, sont en effet porteurs de marqueurs distincts. Et si nous bloquons la réponse de ces neutrophiles particuliers, les bénéfices du traitement disparaissent.»
Un effet indirect insoupçonné
Ces résultats sont d’autant plus surprenants que les traitements administrés ne visaient pas directement les neutrophiles; il s’agit donc d’un effet indirect encore insoupçonné. Ainsi, les neutrophiles ne constituent pas une population homogène mais peuvent être, selon les circonstances, pro ou antitumoraux. De plus, les neutrophiles luttant contre une infection bactérienne ou une blessure sont connus pour leur fort pouvoir cytotoxique, c’est-à-dire capable de détruire des cellules. C’est également le cas des neutrophiles antitumoraux qui peuvent générer des molécules pour les relâcher ensuite au cœur de la tumeur, d’où leur intérêt thérapeutique.
Les neutrophiles sont produits dans la moelle osseuse avant de circuler dans le sang puis dans les tissus. «Il semblerait que le destin des neutrophiles pro ou antitumoraux se dessine déjà dans la moelle osseuse. Serait-il possible d’influer sur ce destin pour mieux lutter contre les tumeurs? Nous poursuivons nos recherches en ce sens», explique Mikaël Pittet, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Genève, qui a dirigé ces travaux. Ces résultats prometteurs, qui démontrent que les neutrophiles peuvent être mobilisés pour lutter contre le cancer, ouvrent la voie à de nouvelles approches thérapeutiques qui pourraient rendre les immunothérapies actuelles beaucoup plus efficaces.