Tribunal cantonal vaudoisAssassin au sang froid ou meurtrier carencé: qui est le tueur de Payerne?
L’homme qui avait tué sa femme et son fils de 31 balles en avril 2018 est jugé en appel, après avoir été condamné à la prison à vie en première instance. Deux récits s’opposent.
- par
- Pauline Rumpf
Un tueur de sang-froid. Un tireur bien rodé, qui a monté les escaliers du domicile de son ex-compagne avec un Glock et deux chargeurs pleins, sans ciller: «Il n’était pas venu pour discuter.» Un homme qui a défiguré son épouse de six balles dans le visage, «qui n’a clairement pas fermé les yeux pour arriver à un tel résultat». Qui a réparti avec une précision glaçante 24 autres balles entre la tête, le thorax et l’abdomen de cette dernière et de leur fils aîné. Un assassin sans réels remords, sans prise de conscience de ses actes, qui remet encore la faute sur les autres, y compris sur ceux qu’il a «mis à mort». Un homme pleinement responsable. Odieux.
Voilà le portrait de Tiago*, dressé ainsi pour la seconde fois par la procureure Élodie Pasquier, cette fois devant le Tribunal cantonal vaudois. Pour l’homme qui a sauvagement abattu femme et enfant de 31 balles, le 25 avril 2018, elle a requis ce lundi la confirmation du verdict de la condamnation à la prison à vie, infligée en première instance par le Tribunal de la Broye et du Nord vaudois en août dernier, et contre lequel le tueur a fait appel.
Un homme, deux hypothèses
Mais un autre Tiago a aussi été décrit lundi devant la Cour. Un Tiago fragile, limité, carencé, à la limite du handicap de par son incapacité à comprendre et rendre compte des sentiments ou des situations complexes. Un ressortissant portugais pratiquement analphabète. Un enfant humilié et torturé par son père et ses frères, lorsqu’il avait 5 ans et jusqu’à ses 11 ans, comme l’avaient raconté ses sœurs lors de la première audience. Un père de famille aimant mais incapable de gérer ce rôle. Un meurtrier, oui, mais méconnaissant sa propre destructivité. En tout cas pas un assassin au sens du Code pénal.
Pour appuyer cette hypothèse, les avocats de Tiago, Me Patrick Michod et Me Tracy Salamin, ont relevé plusieurs éléments qui leur semblent ne pas coller avec le premier jugement rendu. Non, il n’est pas rentré chez lui chercher son arme. Elle était bien dans le coffre de sa voiture depuis trois mois en attendant d’avoir l’occasion de se rendre au stand de tir. Non, il n’avait pas l’intention de l’utiliser: il l’avait emportée pour se donner de l’assurance. Non, il n’a pas mis en joue sa famille: il est reparti sans violence, voyant que discuter ne menait nulle part, mais s’est senti agressé quand son fils s’est jeté sur lui pour le désarmer, expliquant la présence de l’ADN de ce dernier sur le Glock. Le premier coup, accidentel, serait alors parti pendant cette empoignade, qui a conduit au mouvement de charge nécessaire pour charger l’arme.
Sur la base de ce récit, la défense a plaidé une peine moins sévère. «Les faits sont d’une brutalité terrible, révoltante, c’est évident. Mais cette Cour doit s’élever au-dessus du sentiment primaire que l’on peut ressentir face à cela, et ne pas écarter tous ces éléments atténuants sans explications suffisantes, comme l’ont fait les juges précédents», a demandé Me Michod.
Le Tribunal cantonal vaudois livrera son verdict ce mardi.
*Prénom d’emprunt