BiathlonLa Suisse tient peut-être une future championne du monde
Lena Häcki-Gross vient de boucler la meilleure saison individuelle de l’histoire du biathlon helvétique. À Swiss-Ski, on voit les choses en grand pour l’Obwaldienne.
- par
- Brice Cheneval
Elle devant, les autres derrière. S’il existait un prix de fin de saison récompensant le meilleur biathlète suisse, il reviendrait sans discussion à Lena Häcki-Gross cette année. Le week-end dernier, l’Obwaldienne de 28 ans a bouclé un hiver tout simplement historique: avec cinq podiums individuels à son actif, dont deux victoires, elle a achevé la Coupe du monde à la 6e place du classement général. En terminant, par ailleurs, dans le top 10 définitif de chaque discipline (3e de la mass start, 4e de l’individuel, 7e du sprint et de la poursuite). C’est simple: jamais un représentant helvétique n’avait fait aussi bien à ce niveau.
La progression est spectaculaire. Vertigineuse, même. Avec 853 points au général, Lena Häcki-Gross a plus que doublé son total de l’exercice précédent (369 pts), bouclé en 19e position, ce qui représentait alors le meilleur classement de sa carrière sur le circuit. En quelques mois, la Suissesse a changé de catégorie et s’est rapprochée des cadors. Ses cinq devancières actuelles – l’Italienne Lisa Vittozzi, les Françaises Lou Jeanmonnot, Justine Braizat-Bouchet et Julia Simon ainsi que la Norvégienne Ingrid Landmark Tandrevold – cumulent 2 gros globes de cristal, 10 petits globes et 39 succès en Coupe du monde.
Elle souffrait de troubles de l’alimentation
L’exploit est remarquable. Et constitue une forme de bénédiction pour le biathlon suisse qui, jusqu’à Lena Häcki-Gross, n’avait fêté que deux victoires par l’intermédiaire de Selina Gasparin en 2013 et peine à exister. Derrière l’Obwaldienne, d’ailleurs, il faut descendre à la 25e place pour trouver la deuxième Suissesse la mieux classée au général, Amy Baserga. Suivent Aita Gasparin (31e), Elisa Gasparin (55e) et Lea Meier (81e). Ce n’est pas mieux chez les hommes (Sebastian Stalder 19e, Niklas Hartweg 32e, Joscha Burkhalter 46e, Jérémy Finello 54e).
Lukas Keel n’est pas surpris par l’émergence de sa protégée. «Ce n’était qu’une question de temps. Son potentiel est connu depuis des années», confie le patron du biathlon suisse à propos de celle qui s’était parée d'argent à deux reprises aux Championnats du monde juniors en 2016, au sprint et à la poursuite.
Prometteuse dans ses jeunes années, elle a tardé à confirmer au plus haut niveau. Elle y parvient aujourd’hui, grâce à un profond travail personnel entamé au printemps 2023. L’Obwaldienne avait alors révélé souffrir de troubles alimentaires, alternant les phases de boulimie et de sous-nutrition. Une pathologie – nommée hyperphagie boulimique – qu’elle est parvenue à surmonter. «Ça lui a changé la vie, souffle Lukas Keel. Elle s’est retrouvée en bien meilleure condition physique et mentale, et ce dès la préparation estivale. Ça s'est remarqué dès ses premières courses.»
Objectif médaille aux Mondiaux 2025
Deuxième clé de sa transformation: une meilleure gestion de l’effort. «Lena a toujours été très rapide sur la piste. Son problème, c’est qu’elle tirait trop vite, pointe son responsable. Depuis l’été dernier, ces deux aspects sont mieux en phase. Elle a appris à économiser de l’énergie sur la piste pour garder de la lucidité au tir.»
Ultime étage de la fusée: l’expérience. Lena Häcki-Gross en accumule depuis 2014, année de son premier départ en Coupe du monde. Celle qui en totalise désormais 276 a dû attendre le 261e pour franchir la ligne d’arrivée en tête. Elle récolte également les fruits de son encadrement professionnel, elle qui s’entraîne aux côtés des biathlètes allemands dans leur centre de performance, à Ruhpolding.
À 28 ans, Lena Häcki-Gross traverse la meilleure période de sa carrière. Peut-elle aller encore plus haut? Lukas Keel en est persuadé. Le Saint-Gallois rêve de la voir sur le podium aux prochains Championnats du monde – qui se tiendront à Lenzerheide en février 2025 – pour apporter à la Suisse sa première breloque mondiale: «C’est un objectif réaliste! Lena n’est pas très loin, non plus, d’un titre de championne du monde.»
Vivement l’hiver prochain!