FootballRaphaël Varane: «Le joueur était en train de bouffer l’homme»
Le défenseur de MU explique sa retraite internationale dans une interview à Canal+. Il y évoque l’usure mentale et une forme de schizophrénie liée au haut niveau.
- par
- Mathieu Aeschmann
On en sait un peu plus sur les raisons qui ont poussé Raphaël Varane à annoncer, cette semaine, sa retraite internationale à seulement 29 ans. Le défenseur central de Manchester United s’est en effet expliqué dans une interview qui sera diffusée ce dimanche soir sur Canal+, mais dont un premier extrait est disponible sur les réseaux. Toujours aussi posé et réfléchi, le champion du monde 2018 y évoque la surcharge du calendrier et l’usure mentale avec des mots très forts. «J’ai un peu l’impression d’étouffer. Le joueur est en train de bouffer l’homme.»
L’aveu est aussi puissant qu’utile. Déjà parce qu’il rappelle que les dégâts provoqués par la succession des matches ne s’abattent pas que sur les corps. «J’ai tout donné, physiquement et psychologiquement. Le très haut niveau, c’est une machine à laver. On joue tout le temps, ça ne s’arrête jamais.» Peu épargné par les blessures ce derniers mois, le quadruple vainqueur de la Ligue des champions avec le Real semble ici plutôt insister sur la dimension psychologique de l’usure. Un sujet encore tabou au plus haut niveau, même si selon la FIFPro, 38% des footballeurs présentent des symptômes de dépression ou d’anxiété.
Dédoublement de la personnalité
Or, la personnalité de Raphaël Varane renforce ici son propos. Quand un professionnel aussi équilibré que l’ancien Lensois évoque une forme de dédoublement de la personnalité, il y a matière à s’inquiéter pour la minorité silencieuse. «Le joueur était en train de bouffer l’homme», admet donc celui qui va bientôt être papa pour la troisième fois. Comme si la fonction avalait l’individu, lequel n’arrivait plus à trouver sa place lorsqu’il se retrouvait libéré de ses attributs de sportif.
Cette dualité, Raphaël Varane l’avait déjà évoquée dans une interview à L’Équipe peu avant la dernière Coupe du monde, dénonçant ce qui ressemble à un «piège de la fonction» lorsque le débat se déplace sur les questions d’actualité. «Il y a le citoyen qui peut parler et le joueur qui doit aussi rester à sa place. Dernièrement, j’ai porté un brassard arc-en-ciel contre l’Autriche, c’est un message fort. Ça veut dire ce que ça veut dire face aux discriminations. (…) Le joueur a sa part de responsabilités, mais je trouve injuste que cette question nous revienne en permanence, qu’on nous demande des comptes par rapport au Qatar. Il faut savoir rester à notre place et que cela ne nous empêche pas d’être actifs comme citoyens. On n’est pas aveugles.»
Entre sportif et citoyen, joueur et individu, Raphaël Varane semblait laisser de plus en plus d’énergie à essayer de trouver le juste équilibre. Il a donc choisi de s’accorder quelques respirations supplémentaires. Mais ces explications ne sont-elles le symptôme d’un milieu à bout de souffle?