Guerre en UkraineDuel droite-gauche au Conseil des Etats sur le renforcement de l’armée
Le PLR, mécontent de la réponse du Conseil fédéral à son interpellation pour renforcer la capacité de défense de la Suisse, avait demandé une discussion. Viola Amherd a défendu sa politique de sécurité.
- par
- Christine Talos
La guerre en Ukraine a de nouveau agité le Conseil des États mardi. Les sénateurs ont effet débattu de la nécessité de renforcer les capacités de défense de l’armée, suite à une interpellation urgente du PLR Josef Dittli, qui s’est dit mécontent des réponses données par écrit par Berne.
«En raison de la nouvelle situation, il faut que la Suisse réexamine son système de sécurité», a-t-il expliqué en préambule. Selon lui, l’armée suisse n’est pas suffisamment bien équipée pour la défense du pays, et ce malgré les projets d’acquisition en route – notamment l’achat des avions F35. «Et les réponses du Conseil fédéral donnent l’impression que toutes les réformes et acquisitions engagées ont déjà permis de se préparer à un scénario comme celui de l’attaque russe contre l’Ukraine; comme si tout était couvert, comme si rien n’avait changé. Nous avons pourtant une situation de menace totalement nouvelle», a-t-il lancé.
Il a donc estimé que l’achat des F-35 et du système Patriot était notamment particulièrement urgent en raison des nouvelles menaces. «Il faut aller de l’avant. Il ne doit notamment pas y avoir de retard pour des raisons politiques, même pas par la collecte de signatures pour une initiative», a-t-il lancé.
D’autres urgences pour la gauche
Si la droite a abondé dans son sens, la gauche n’était en revanche pas de cet avis. «Avant d’arriver chez nous les tanks russes, de même que les avions de combat, devraient déjà traverser plusieurs territoires souverains et notamment ceux de pays membres de l’OTAN», a répliqué Céline Vara (Verts/NE), un risque improbable, selon elle. «L’urgence immédiate est la sécurité nucléaire, civile et militaire, pour l’Ukraine, pour l’Europe et pour la Suisse. C’est la crise alimentaire annoncée, puis les nouveaux flux migratoires vers l’Europe et vers la Suisse. L’urgence immédiate, c’est la prise en charge des réfugiés en Suisse et dans le reste de l’Europe», a rappelé lui Carlo Sommaruga (PS/GE).
Quant à la conseillère fédérale Viola Amherd, elle s’est défendue en rappelant que le dernier rapport sur la politique de sécurité de la Suisse précisait noir sur blanc les risques d’un conflit armé entre la Russie et l’OTAN. «Si on affirme que l’on n’a pas pensé à ces scénarios, c’est faux. On n’a peut-être tout simplement pas voulu en tenir compte», a-t-elle lancé. Selon elle, l’armée est correctement positionnée, même en comparaison avec d’autres forces armées en Europe. La Valaisanne a toutefois plaidé pour plus de moyens, en rappelant que de nombreux pays européens souhaitaient augmenter leurs dépenses de défense. Et d’ajouter: «on peut se demander si 0,7 ou 0,8% du PIB suffira à protéger le pays compte tenu de la dégradation de la situation».
Plaidoyer pour l’achat des F-35A
La ministre de la Défense a également milité pour le renouvellement de la flotte des avions de combat F-35A. Selon elle, leur achat est devenu encore plus évident avec la guerre en Ukraine et «des retards sont irresponsables». Elle a rappelé que la Finlande et l’Allemagne avaient elles aussi décidé d’acheter le jet américain et que la Suisse était tributaire désormais de l’initiative en cours contre leur achat. «Si elle n’est pas déposée d’ici fin mars, nous n’avons aucune chance de voter dessus avant 2024», a expliqué Viola Amherd. Or l’offre américaine court jusqu’à fin 2023. «Cela signifie que si nous manquons notre créneau de production, nous serons à la traîne. Et les avions des autres pays seront alors produits en premier», a-t-elle prévenu.
«Nous disposons de bases solides dans le rapport sur la politique de sécurité ainsi que dans les travaux en cours sur l’avenir de la défense aérienne, des troupes au sol et de la cyberdéfense. Mais nous devons maintenant poursuivre d’autant plus énergiquement la voie empruntée, l’orientation choisie», a conclu la ministre.