Réchauffement climatique – Asséché, un grand fleuve du Maroc n’atteint plus la mer

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Réchauffement climatiqueAsséché, un grand fleuve du Maroc n’atteint plus la mer

Dans le nord-est du pays, la Moulouya, un des plus longs fleuves du Maroc, ne se déverse plus dans la mer. Son débit a faibli à cause de la surexploitation de ses eaux.

«C’est la première fois de son histoire que la Moulouya ne se déverse plus dans la mer», s’attriste l’écologiste Mohamed Benata. L’assèchement d’un des plus longs fleuves du Maroc, qui se jetait dans la Méditerranée, menace les terres agricoles et la biodiversité.

«Son débit a faibli à cause de la surexploitation de ses eaux. Le phénomène est dramatique», déclare à l’AFP cet agronome à la retraite, en photographiant l’embouchure du fleuve située à quelques kilomètres de la cité balnéaire de Saïdia (nord-est), près de la frontière algérienne.

Pire encore, l’eau de mer remonte «sur 15 kilomètres» dans le lit de la Moulouya, qui parcourt plus de 500 km depuis les montagnes du Moyen Atlas, poussant les riverains à abandonner l’exploitation de leurs terres à cause d’un excès de salinité.

Impact direct du phénomène, accentué par la sécheresse: sur la rive droite, dans la commune rurale de Karbacha, les melons sont jaune pâle et difformes, leurs tiges toutes sèches couvrent plusieurs hectares de la plantation d’Ahmed Hedaoui. «Même les sangliers n’en veulent pas», raille-t-il.

«Cette année, j’ai investi près de 300’000 dirhams (près de 35’000 francs) pour mettre à niveau ces terres. J’ai installé deux moteurs à pompe pour irriguer les melons, mais je me retrouve sans rien», se désole ce cultivateur de 46 ans, casquette vissée sur la tête.

«Tout est mort à cause de la rareté des pluies et surtout de la salinité du fleuve», constate M. Hedaoui.

L’herbe n’est pas plus verte dans le champ voisin, où son cousin Mustapha a planté des artichauts qui peinent à pousser.

«Coup de grâce»

«Cela fait deux mois que ce champ n’a pas été irrigué faute d’eau douce. On évite l’eau du fleuve car son sel ravage les sols pour des années», confie ce professeur de français reconverti dans l’agriculture, qui n’exploite plus aujourd’hui qu’un tiers de ses 57 hectares.

Mustapha Hedaoui, tout comme la dizaine de cultivateurs rencontrés sur place, incrimine la «mauvaise gestion» de l’eau et l’excès d’infrastructures dans la région, notamment deux stations de pompage et trois barrages.

Si la dernière station de pompage, mise en service il y a six mois près de la ville voisine de Zaio, permet d’irriguer 30’000 hectares, elle a porté «le coup de grâce aux agriculteurs de la Basse Moulouya», tonne l’agriculteur.

Plus grave, l’eau douce pompée du fleuve «est répartie de manière inéquitable car ce sont les producteurs d’arbres fruitiers qui en profitent», proteste Abderrahim Zekhnini, 61 ans, qui a renoncé à labourer les 200 hectares de l’exploitation familiale.

Au ministère de l’Agriculture, on impute l’assèchement du fleuve et sa salinité à la sécheresse. «Certes les stations de pompage ont un impact sur le débit du fleuve mais des études ont été réalisées en amont pour éviter tout déséquilibre», assure à l’AFP le directeur régional du ministère, Mohamed Bousfou.

«Pour la répartition de l’eau douce, on la distribue en priorité à l’arboriculture plutôt qu’aux cultures maraîchères parce qu’on vit une situation exceptionnelle de sécheresse», assure le fonctionnaire. Un arbre détruit est plus long à remplacer qu’une plantation saisonnière.

«De mal en pis»

L’aridité est amenée à augmenter progressivement au Maroc jusqu’en 2050 en raison de la baisse attendue de la pluviométrie (-11%) et de l’augmentation de la température (+1,3°C), selon un rapport du ministère de l’Agriculture. Elle entraînera une «diminution de la disponibilité en eau d’irrigation de plus de 25%», prédit-il.

«Ce qui me chagrine le plus, c’est de voir mes enfants obligés de travailler ailleurs, dans d’autres exploitations, alors qu’on a nos propres terres», déplore M. Zekhnini.

Sur la rive gauche de la Moulouya, ce n’est pas mieux: «Nous cultivons ces terres de père en fils mais la situation se dégrade, ça va de mal en pis», confie, amer, Samir Chodna.

«Aujourd’hui, tous les jeunes de la région ne pensent qu’à émigrer», assure le jeune homme.

L’embouchure du fleuve, désormais envahie par les détritus, abrite pourtant une des réserves naturelles les plus riches de la région d’Oujda, non loin de l’Algérie.

«Sa faune et sa flore n’en sortiront pas indemnes», alerte le militant écologiste Mohamed Benata.

(AFP)

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