IrakEnfin un nouveau gouvernement, mais la sortie de crise est encore loin
Le nouveau gouvernement de Mohamed Chia al-Soudani sera confronter à une tâche titanesque pour sortir de la crise un pays rongé par les inégalités et la corruption.
Le gouvernement de Mohamed Chia al-Soudani, porté par les factions pro-iraniennes, a été adoubé jeudi par le Parlement irakien après un an de violentes épreuves de force. La tâche pour relever le pays en crise et le réconcilier avec lui-même s’annonce titanesque. M. Soudani promet de lutter contre la corruption et d’améliorer les services de base. Mais dans un Irak ultra-polarisé où les fruits de la mirobolante manne pétrolière ne bénéficient guère aux infrastructures et aux services publics, les analystes ne prédisent pas de sortie de crise avant longtemps.
Tout change, rien ne change?
Mohamed Chia al-Soudani, ses 21 ministres et son programme ont obtenu la confiance des députés jeudi au cours d’un vote survenu un peu plus d’un an après les législatives d’octobre 2021. L’Assemblée est acquise aux forces chiites réputées proches de l’Iran rassemblées au sein du Cadre de coordination, ennemi juré de Moqtada Sadr, influent clerc chiite qui a refusé de participer au gouvernement. En vertu d’un système de partage des pouvoirs sur la base des appartenances confessionnelles et ethniques, 12 ministres sont chiites et issus du Cadre de coordination, six sont sunnites, deux sont kurdes et une est chrétienne.
Le gouvernement de Mohamed Chia al-Soudani «arrive aux affaires avec les mêmes méthodes que les gouvernements précédents, les mêmes blocs, les mêmes partis», note le politologue Ali Baidar. Et ces partis «en sont venus à considérer les ressources de l’Etat comme un héritage qu’ils peuvent se répartir entre eux». Ecueil supplémentaire: les haines sont encore vivaces entre Moqtada Sadr et le Cadre de coordination. Les deux pôles politiques dominant la communauté musulmane chiite, majoritaire en Irak, n’ont cessé de s’affronter – parfois les armes à la main – sur la désignation du nouveau Premier ministre depuis les dernières législatives.
Nouvelles élections ?
Mohamed Chia al-Soudani a promis «d’organiser des élections anticipées dans un délai d’un an», répondant, sur le papier, à une exigence de Moqtada Sadr. Donner des garanties aux sadristes peut contribuer à une «stabilité relative», pense Ihsan al-Shammari, politologue à l’université de Bagdad.
En revanche, Lahib Higel de l’International Crisis Group estime que «les partis soutenant le gouvernement actuel ne sont pas intéressés par la tenue d’élections anticipées», d’autant «qu’un délai d’un an n'est pas réaliste». Moqtada Sadr a prouvé cet été sa capacité à mobiliser ses partisans dans la rue. Et si les sadristes se sentent «isolés» ou «qu’il existe un plan pour saper leur avenir politique, nous pourrions assister à une réaction extrême» de Moqtada Sadr, prévient Ihsan al-Shammari.