Tour de FranceRetour sur les faits marquants de la Grande Boucle 2023
Jonas Vingegaard s’apprête à remporter son deuxième maillot jaune consécutif, ce dimanche en début de soirée sur les Champs-Elysées. En attendant, voici la 110e édition retracée en cinq chapitres.
- par
- Chris Geiger Markstein
Trois semaines après le grand départ donné dans la folie basque de Bilbao, les coureurs du Tour de France ont les Champs-Elysées en ligne de mire. «L’édition la plus montagneuse de l’histoire», comme l’avait qualifiée Christian Prudhomme lors de la présentation du parcours en octobre dernier, a tenu toutes ses promesses.
Car pour voir Paris, le peloton a dû aller au bout de lui-même et survivre à la traversée des Pyrénées, du Massif central, des Alpes, du Jura et des Vosges. Rien que ça. Et celui qui a le mieux digéré ce programme gargantuesque – et de très, très loin (7’29’’ d’avance au classement général) – se nomme Jonas Vingegaard, comme en 2022. Le maillot jaune danois entre évidemment dans notre sélection – non exhaustive – des moments forts de cette 110e édition de la Grande Boucle.
Un extraordinaire duel longtemps indécis
Voir un autre coureur que Jonas Vingegaard ou Tadej Pogacar monter sur la plus haute marche du podium ce dimanche à Paris aurait été perçu comme un véritable cataclysme. Jamais cette possibilité n'avait été ne serait-ce qu'envisagée avant le début du Tour de France. Encore moins depuis le grand départ, le 1er juillet dernier, à Bilbao.
Car le Danois - tenant du titre – et le Slovène - double vainqueur de la Grande Boucle (2020 et 2021) - ont d'emblée montré qu'ils pédalaient plusieurs crans au-dessus du reste de la meute, qu'il y avait eux et les autres. Longtemps, les deux hommes ont affiché un niveau similaire, d'une autre planète. Alors les coureurs des formations Jumbo-Visma et UAE se sont livrés à une guerre psychologique, entre jeux de dupes et coups de bluff.
À couper le souffle, ce duel s'est prolongé jusqu'au matin de la 16e étape. Puis les masques sont tombés et l'écart est passé, en moins de 24 heures, de 10 secondes à 7'35'' en faveur du Viking. Le Tour était assommé, la dramaturgie envolée.
Un maillot jaune chahuté
Sa démonstration sur l’unique contre-la-montre de ce Tour 2023, disputé mardi entre Passy et Combloux (22,4 km), a déclenché une avalanche d’interrogations et suscité de gros doutes parmi les suiveurs du cyclisme. Comment un Danois aussi rachitique (1,75 m, 60 kg) a-t-il pu développer autant de puissance et ridiculiser à ce point le reste de la concurrence?
En mettant 1’38’’ dans la vue de son dauphin Tadej Pogacar, en coupant la ligne avec trois minutes de moins que le temps prévisionnel le plus rapide imaginé par les organisateurs, Jonas Vingegaard a réveillé le spectre du dopage.
Depuis, la thématique revient sur la table à chaque conférence de presse à laquelle prend part le maillot jaune. Serein, le Viking jure ne rien prendre qu’il n’oserait donner à sa fille. Des promesses qui ne suffisent pas, et de loin, à écarter les suspicions. Mais «Vingo» bénéficie de la présomption d’innocence, jusqu’à preuve du contraire.
Un carnivore au sein du peloton
L’autre grand homme de cette Grande Boucle 2023 se nomme Jasper Philipsen. Le sprinteur belge, qui avait hérité du peu envieux surnom de «Jasper Disaster» («Jasper le désastre») dans la série Netflix dédiée au Tour de France, a pris une sacrée revanche et fait taire bon nombre de ses détracteurs au cours des trois dernières semaines.
Car le coureur de la formation Alpecin-Deceuninck, à chaque fois idéalement emmené par l’excellent Mathieu van der Poel, n’a laissé aucune chance aux autres grosses cuisses du peloton. Il a ainsi claqué quatre étapes, du côté de Bayonne, Nogaro, Bordeaux et Moulins. Finalement, la seule miette qui lui aura échappé est l’arrivée massive à Limoges gagnée par Mads Pedersen. Le Belge de 25 ans avait toutefois marqué de gros points en vue du maillot vert – qu’il est assuré de remporter – puisqu’il avait pris le deuxième rang.
La seule ombre qui figurera au tableau de Jasper Philipsen restera sa tentative d’intimidation sur Pascal Eenkhoorn, qui tentait de sortir du peloton, jeudi lors de la 18e étape. Une attitude digne d’un carnivore, pas sanctionnée, mais qui aura écorné l’image du sprinteur de Mol.
Des couacs notables
Heureusement, cette 110e édition du Tour de France ne s’est finalement pas jouée pour une poignée de secondes. Car la polémique causée par deux motos de presse lors de la 14e étape entre Annemasse et Morzine aurait été remise sur le tapis. Les deux engins, mal placés et finalement rattrapés par la patrouille (amende et suspension d’une étape), avaient annihilé une attaque de Tadej Pogacar sur Jonas Vingegaard au sommet du col de la Joux Plane. Floué, le Slovène avait tenu à désamorcer la controverse.
Quatre jours plus tard, c’est une moto de France Télévisions qui s’est «distinguée» en calant dans les plus forts pourcentages du terrible col de la Loze, sur la 17e étape. Incapable de repartir rapidement, elle avait alors entraîné un bouchon et le maillot jaune avait été contraint de mettre pied à terre. Sans conséquence toutefois puisque Tadej Pogacar était en perdition.
Ces deux incidents ne sont pas les seuls éléments extérieurs à avoir directement influencé et impacté la course. Steff Cras, mis au sol par un individu imprudent sur le bord de la route, a été contraint d’abandonner dès la 8e étape. L’étourderie d’un public trop souvent indiscipliné a également provoqué une chute massive lors de la 14e étape. Le bras d’un spectateur inattentif avait alors heurté et déstabilisé le malheureux Sepp Kuss, lancé à vive allure en tête de peloton.
Des Suisses travailleurs
Ils n’étaient que deux au départ à Bilbao. Sauf accident sur l’ultime étape, Silvan Dillier et Stefan Küng verront ce dimanche les Champs-Elysées. Mais l’Argovien (32 ans) et le Thurgovien (29 ans) n’auront pas vécu les mêmes émotions sur cette Grande Boucle.
Le coureur d’Alpecin-Deceuninck, souvent aperçu en tête de peloton, a abattu un gros travail pour son sprinteur Jasper Philipsen sur les étapes de transition. Il a connu une édition 2023 très faste grâce aux quatre bouquets récoltés par son partenaire belge. «Collectivement, on a vécu un très beau Tour, se félicite-t-il. Mais aussi individuellement, car je suis ici en tant que coéquipier. On a déjà gagné quatre étapes et il nous reste une très grande possibilité demain (ndlr: dimanche) à Paris. C’était un très beau Tour, mais aussi très dur!»
Son compatriote de la Groupama-FDJ le rejoint sur la difficulté du parcours. «Cette édition a été très, très dure, avec beaucoup de dénivelé, reconnaît «King Küng». Pourtant je passe bien les bosses, mais ça reste quand même compliqué pour moi pour jouer une victoire d’étape.»
Ça s’est malheureusement confirmé en troisième semaine. Le rouleur suisse, plus actif et offensif, est parvenu à prendre plusieurs échappées, sans toutefois réussir à mettre la balle au fond. Collectivement, son équipe n’a pas non plus atteint ses objectifs (aucun succès, le leader David Gaudu loin du podium au général).
Mais le Thurgovien, auteur mardi d’un chrono encourageant (18e) compte tenu du tracé qui ne correspondait pas du tout à ses qualités, sent sa forme s’affiner au fil des jours. De quoi se montrer plutôt optimiste en vue des prochains Championnats du monde de Glasgow (3 au 13 août). «Physiquement, et même si on ne le voit pas sur la feuille des résultats, il y a eu des jours où j’ai réalisé de bonnes performances sur ce Tour.»