Guerre en UkraineQuand Zelensky animait le gala russe du Nouvel-An
Avant de devenir président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky était un humoriste apprécié du public russe.
- par
- Jonathan Zalts
En Ukraine, le passage à 2023 s’est fait sous les bombes dimanche dernier. Des frappes russes survenues peu après minuit ont notamment fait plusieurs morts et des dizaines de blessés. «(Les Russes) sont en train de perdre, avait réagi dans la foulée Volodymyr Zelensky. Les drones, les missiles et tout le reste ne les aideront pas. Parce que nous sommes ensemble».
«Ils n’enlèveront pas une seule année à l’Ukraine, ils ne nous retireront pas notre indépendance, a poursuivi le président ukrainien. Nous ne leur donnerons rien. Nous répondons à chaque frappe russe (…) sur toutes nos villes et nos communautés.»
Le conflit était également au menu du discours de Vladimir Poutine pour le Nouvel-An. Le président russe a pour sa part évoqué une année 2022 forte «d’événements décisifs et importants» qui «jettent les bases (…) de notre véritable indépendance». «C’est pour cela que nous nous battons aujourd’hui, en protégeant notre peuple dans nos propres territoires historiques, dans les nouvelles entités constitutives de la Russie», a-t-il ajouté en référence aux territoires ukrainiens annexés.
«Travailleur immigré»
Alors qu’aujourd’hui tout oppose les deux chefs d’États, il n’en a pas toujours été ainsi. Avant d’entamer sa carrière politique, Volodymyr Zelensky était en effet un humoriste apprécié du public russe. En 2013, l’ex-comédien était même chargé d’animer le pompeux gala du Nouvel-An à la télévision russe.
Le journaliste allemand et ancien correspondant à Moscou Julian Hans en a déterré les images. On y voit l’actuel président ukrainien tantôt chanter, tantôt faire des blagues devant un public visiblement conquis. Au cours de l’émission, il ironise notamment sur son statut de «travailleur immigré».
«Il ne fait aucun doute qu’il a bien gagné sa vie grâce à l’argent que le Kremlin injecte dans l’industrie du divertissement pour garder le peuple de bonne humeur», commente sur Twitter Julian Hans.
Mais les liens de l’humoriste Zelensky avec le public russe changeaient du tout au tout un an plus tard, en 2014, lors de l’annexion de la Crimée par la Russie. Moscou avait alors accusé l’ancien comédien d’avoir d’abord soutenu financièrement les révolutions pro-européennes ukrainiennes, nommées Euromaïdan, puis l’armée ukrainienne dans sa lutte contre les séparatistes soutenus par le Kremlin.
En 2015, Volodymyr Zelensky devenait l’acteur principal de la série «Serviteur du peuple», où il incarne un professeur de lycée accédant de façon inattendue… à la présidence de l’Ukraine. Il fera ses débuts en politique un an plus tard en lançant un parti du même nom, avant d’être finalement élu président en 2019.
«Parodies inoffensives»
Dans son analyse du gala de 2013, le journaliste Julian Hans relève la présence de plusieurs personnalités dont les relations avec la Russie ont également profondément changé. Après une introduction de Vladimir Soloviev, propagandiste en chef du Kremlin, on peut notamment voir l’humoriste russe Maxime Galkine entrer en scène aux côtés de Zelensky. «La spécialité de Galkine était les parodies inoffensives, toujours dans le cadre de ce que le Kremlin autorise comme critique», détaille Julian Hans.
Marié à la star russe de la chanson Alla Pugatschowa, il s’est exilé avec sa femme en Israël après que Maxime Galkine a pris position contre la guerre en Ukraine. Considéré comme «agent de l’étranger» par Moscou, il fait depuis des tournées dans les pays baltes, en Israël et aux États-Unis où il est apprécié pour ses parodies de propagandistes russes.
Julian Hans présente aussi Oleg Gasmanov, un chanteur qui a pris la direction diamétralement opposée en étant annoncé comme tête d’affiche pour les fêtes d’annexion des territoires ukrainiens d’Izium et de Kherson. Il figure aujourd’hui sur la liste des personnalités russes sanctionnées par l’Union européenne.
L’artiste ukrainienne Ani Lorak était également présente lors de ce gala. Elle a pour sa part été sanctionnée par Kiev pour son silence sur le sujet de la guerre dans son pays.
On peut en outre voir sur les images le rappeur ukrainien Oleksii Potapenko, qui a appelé en février le peuple russe à prendre position contre la guerre, ou encore le ténor russe Nikolaï Baskov, proche du Kremlin et figurant sur la liste des sanctions américaines.