Commentaire – Pandora Papers: comme un air de déjà-vu!

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CommentairePandora Papers: comme un air de déjà-vu!

Une fois de plus la Suisse se fait épingler pour ses us et coutumes peu regardantes sur la provenance des fonds. Mais pendant ce temps, l’argent étranger continue d’affluer.

Eric Felley
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Eric Felley
Les avocats, les notaires ou autres fiduciaires tiennent à conserver le «secret professionnel», qui protège leurs clients.

Les avocats, les notaires ou autres fiduciaires tiennent à conserver le «secret professionnel», qui protège leurs clients.

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Lundi, le PS et les Vert.e.s ont réagi vivement après la publication des Pandora Papers, impliquant des dizaines d’intermédiaires en Suisse pour le compte de personnes fortunées à l’étranger. Ils ont rappelé l’échec au Parlement en mars dernier de la modification de la loi sur le blanchiment. Celle-ci prévoyait un devoir de diligence étendu pour les avocats, notaires ou fiduciaires. Ueli Maurer défendait cette adaptation recommandée par l’OCDE. Mais les partis bourgeois ont soutenu la fronde des avocats qui s’y opposaient.

Un dialogue de sourds

Hier les partis bourgeois ont fait le dos rond. Le Genevois Vincent Maitre (Centre/GE) était invité à «Forum» sur la RTS. Au Parlement, c’est lui, entre autres, qui s’est battu pour faire échouer la modification. À la radio, il a débattu avec l’ancien procureur Paolo Bernasconi. Ce fut un dialogue de sourds. Pour le premier, la législation actuelle est suffisante, il y a parfois des moutons noirs et d’autres pays profitent de lois moins contraignantes, etc. Pour le second, il a rappelé qu’en 1969, lors de sa première année de fonction comme procureur, il avait déjà demandé d’interdire les sociétés de siège dans les pays offshore. En 2021, il réitère, dénonçant des sociétés boîtes aux lettres, dont la seule raison d’être est l’opacité des flux d’argent.

Du secret bancaire au secret professionnel

Sous l’ère Merz, en 2009, la Suisse a aboli formellement le secret bancaire. Mais le secret, en tant que tel, n’a pas disparu bien entendu. Les avocats défendent pour leur client «le secret professionnel». Certes, la Suisse a dû faire profil bas dans les années 2010 sur les questions d’évasion fiscale avec les États-Unis, la France ou l’Allemagne. Mais l’argent, c’est comme l’eau, si vous l’empêchez de passer à un endroit, elle trouvera un autre chemin pour le contourner, s’infiltrer, voire s’évaporer et se condenser ailleurs. Les conseillers financiers sont là pour trouver ces passages insolites pour leurs clients.

Afflux d’argent étranger en Suisse

Dans ces pratiques, il ne faut pas s’attendre à trouver des gens qui ont des états d’âme sur la fiscalisation des montants qu’ils aident à mettre à l’abri. Les Panama Papers en 2016 ou les Pandora Papers en 2021 font grand bruit. Mais, passé le temps finalement assez bref de l’indignation, les affaires continuent. Si l’on était un brin cynique, on pourrait dire que ces scandales font même à la Suisse un brin de publicité indirecte. En 2020, les avoirs sous gestion en Suisse ont grimpé de 10,6% à 2787 milliards de francs. 65% de ces montants provenaient de personnes résidant en Suisse, 35% à l’étranger. Mais la part de ces derniers a progressé de 10 points entre 2017 et 2020.

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