Football: Entre la Suisse et la Turquie, récit d’une journée sous le signe de la fraternité

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FootballEntre la Suisse et la Turquie, récit d’une journée sous le signe de la fraternité

Une grande partie des joueurs ayant participé au Suisse-Turquie de l’Euro 2008 se sont réunis à la Tuilière. Pour la bonne cause, et un samedi savoureux d’anecdotes.

Florian Vaney Lausanne
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Florian Vaney Lausanne
L’ancien attaquant de l’équipe de Suisse Kubilay Türkyılmaz, binational, en pleine accolade avec le célèbre sélectionneur turc Fatih Terim.

L’ancien attaquant de l’équipe de Suisse Kubilay Türkyılmaz, binational, en pleine accolade avec le célèbre sélectionneur turc Fatih Terim.

Photos: Erdogan@LEA-Gallery.ch

Soudain, les onze joueurs turcs ont enfilé un maillot suisse. Pendant que les onze Suisses revêtaient la tunique turque. Et le stade de la Tuilière, pourtant décoré en grande majorité de drapeaux de la Turquie et de logos des clubs les plus populaires du pays, s’est mis à chanter «Hopp Suisse!»

Parce que la Turquie était justement devenue la Suisse l’espace d’un instant? Peut-être. Pour enterrer la hache de guerre de la rivalité des années 2000 qu’a fait ressurgir l’événement de samedi? Peut-être aussi. Ou alors était-ce un signe de reconnaissance envers cette Suisse qui donne d’elle-même pour les victimes du tremblement de terre ayant fait plus de 50’000 morts en début d’année entre la Syrie et la Turquie? Beaucoup d’hypothèses, pas de réponse fixe.

Mais c’est bien cette scène, touchante de fraternité, qui est venue conclure le «replay» du Suisse-Turquie de l’Euro 2008. Un match joué pour la bonne cause, avec une grande partie des acteurs de l’époque et les 15 années écoulées qui pèsent dans leurs jambes. Surtout, une foule d’anecdotes venues égayer une journée pas comme les autres.


Gims n’est pas venu

C’était l’événement dans l’événement. Gims, le plus célèbre des rappeurs français, devait venir faire le show à la Tuilière avant que le foot ne prenne ses droits. Fin août, il se filmait même dans une courte capsule vidéo qui validait cette thèse. Samedi, la sono du stade voulait tellement y croire qu’elle a même diffusé plusieurs titres de l’artiste. Avant que Metin Karagülle, l’organisateur, ne prenne le micro l’âme en peine.

«Gims ne viendra pas aujourd’hui. Il était prêt à chanter, il a même dormi à Montreux cette nuit. Mais sa famille vit au Maroc, dans une zone touchée par le séisme qui vient d’éclater. C’était important pour lui d’être à ses côtés, de pouvoir la rejoindre là-bas.» Réuni en soutien aux victimes du tremblement de terre de février, le public ne pouvait que comprendre.


Guillaume Hoarau a préféré les «all-star» à la 2e ligue inter

À quelques mètres du stade de la Tuilière, à l’intérieur du complexe sportif et de ses terrains qui s’étendent à perte de vue, les joueurs de Concordia Lausanne se réjouissaient d’une chose samedi: devenir les premiers à affronter Guillaume Hoarau dans son nouveau rôle d’attaquant du FC Müri-Gümligen. C’est le cadeau que leur avait offert le calendrier du groupe 2 de 2e ligue inter. Sauf que ce 9 septembre, l’homme aux 160 matches avec le PSG et 118 buts avec Young Boys avait autre chose de prévu.

Il était invité pour enflammer le secteur offensif de l’équipe de Suisse lors du match «all-star». Soit un duel sympathique, pour patienter avant le «replay» de Suisse-Turquie, avec des noms qui ont plus ou moins compté dans le football national. Guillaume Hoarau a ainsi fait équipe côté helvétique avec des hommes au profil aussi divers que Tibert Pont, Jean-Philippe Karlen, Daniel Puce ou Osni Mutombo, par exemple. Et il a profité des 35 minutes de ce match de gala pour inscrire un soyeux triplé (les «all-star» suisses l’ont emporté 4-1). À quelques mètres de là, ses coéquipiers du FC Müri-Gümlingen lui rendaient hommage en reportant 1-0 leur duel en terre vaudoise.


Deux frères pour arbitrer un wagon de grands noms

Metin Karagülle s’est adonné à son événement avec une implication folle. Gims n’est pas venu, mais réussir à déplacer une telle délégation turque, désormais éparpillée aux quatre coins du pays (voire du globe), relève du tour de force. Ce carrossier valaisan binational aurait souhaité apporter la touche finale en réussissant à attirer Lubos Michel, l’arbitre slovaque qui avait justement dirigé la rencontre de 2008 entre les deux nations. Il semblerait que celui-ci n’ait pas donné suite à cette approche. Alors? Alors son remplaçant s’est appelé Nicolas Jancevski.

Le Vaudois pensait avoir sifflé son dernier match en décembre 2020. Un NE Xamax – Thoune qui clôturait une carrière longue de 144 matches de Swiss Football League, mais aucune expérience internationale chez les actifs. Et voilà que samedi, il déambulait parmi certains des acteurs qui ont composé l’une des plus douloureuses défaites de l’équipe nationale voici quinze ans. Le tout accompagné… de son petit frère Ilco. À 30 ans, le cadet possède encore de belles pages devant lui à écrire dans le domaine, lui qui officie comme arbitre assistant en Challenge League.

Ilco Jancevski avait d’ailleurs vu juste dans les dernières minutes du «replay», en signalant un hors-jeu turc tout ce qu’il y avait de plus flagrant. Mais son frère a choisi de l’«overruler», omettant volontiers le drapeau levé pour permettre à la Turquie de revenir à 2-1. Avant de lui offrir un pénalty non moins généreux pour le 2-2. Feintes de contestations dans le camp suisse, plaintes accompagnées d’un grand sourire. Cette fois, c’était sûr, tout le monde repartirait bons amis.


Une pluie de natels pour Arda Turan

Les fans turcs disposent d’un moyen très persuasif lorsqu’ils souhaitent obtenir un selfie d’une star: lancer leur natel à ses pieds pour l’obliger à réagir. Ça ne fonctionne pas partout, ça a quelque chose d’assez intrusif, mais le revêtement synthétique du terrain de la Tuilière est assez souple pour amortir le choc.

À l’applaudimètre des quelques milliers de curieux réunis samedi (ils devaient être environ 3’000), c’est Arda Turan qui a probablement remporté la palme du joueur le plus populaire. Ce qui a donc valu à l’ancien du Barça, dont l’image n’a visiblement pas trop souffert de ses déboires avec le fisc espagnol, une pluie de téléphones portables. Sa technique pour ne pas y passer des heures? En attraper un, prendre un selfie en mode «paysage» avec une dizaine de fans à la fois, puis passer à la prochaine dizaine.

La Suisse s’étant retrouvée un peu courte niveau effectif en seconde période, elle a justement pu compter sur un apport de choix: Arda Turan a changé de camp à la pause, passant 25 minutes avec les joueurs dont il avait fait le désespoir ce 11 juin 2008 à Bâle. À la 92e minute, c’est lui qui avait éliminé les Suisses de leur Euro. Joli geste symbolique.


Et encore: un tableau pour Fatih Terim

Le célèbre sélectionneur turc était particulièrement demandé samedi. Un artiste a su capter son attention quelques instants avec ce tableau.

Le célèbre sélectionneur turc était particulièrement demandé samedi. Un artiste a su capter son attention quelques instants avec ce tableau.

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