SuisseLes écosystèmes lacustres menacés par la moule exotique quagga
De nouvelles données de l’Eawag montrent la dispersion problématique de la moule quagga, une espèce envahissante, en Suisse.
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Des moules quagga dans le lac Léman.
Linda Haltiner, EawagLa moule quagga, une espèce envahissante, est apparue pour la première fois dans le Rhin près de Bâle en 2014. Depuis, elle s’est propagée très rapidement en Suisse. Elle a été trouvée dans le Léman, le lac de Constance, le lac de Neuchâtel, le lac de Bienne, le lac Hongrin et le lac de Morat; comme l’a démontré une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche de l’eau Eawag et de l’Université de Constance.
Les animaux se dispersent principalement de deux manières. Au stade larvaire, ils se laissent naturellement porter par les courants. Ils peuvent aussi être déplacés involontairement par l’homme «dans l’eau de ballast, de cale ou de refroidissement de moteur des navires et bateaux de plaisance ou en se fixant aux objets», explique l’Eawag dans un communiqué de presse.
Les chercheurs craignent aujourd’hui que «cette dispersion extrêmement rapide de la moule quagga constitue un risque pour les eaux qui ne sont pas encore colonisées et affecte de manière importante les écosystèmes lacustres».
Espèce dominante
Une fois que la moule quagga a infesté un plan d’eau, elle y devient dominante. Une situation rendue possible par «sa capacité à se reproduire presque toute l’année, à coloniser le substrat mou dans les profondeurs, ainsi que la plus grande efficacité de sa prise de nourriture», précise l’Institut.
«Sur la base d’observations qui nous viennent d’Amérique du Nord, nous redoutons que la présence de la moule quagga n’ait des conséquences majeures pour nos systèmes lacustres et qu’elle risque de les déséquilibrer», explique Piet Spaak, chercheur à l’Eawag. Les conséquences éventuelles d’une telle invasion sont nombreuses:
«Déclin du plancton, car ces moules filtrent de grandes quantités de phytoplancton;
Augmentation de la profondeur de visibilité en raison du déclin du plancton;
Augmentation des nutriments au fond du lac et diminution des nutriments dans les eaux libres du fait que les moules vivent à proximité du sol;
Modification des communautés d’espèces et du réseau trophique [ndlr: l’ensemble des relations alimentaires entre les espèces au sein d’un même écosystème];
Déclin des stocks de poissons en raison de la modification du réseau trophique;
Coquilles de moules sur les rives;
Augmentation des travaux d’entretien et des coûts, par exemple pour les tuyaux destinés au captage d’eau, des bateaux, des filets de pêche etc.»
Au vu de ce constat, les chercheurs recommandent de protéger au mieux les eaux qui ne sont pas encore infectées. Ils proposent des campagnes de sensibilisation, une obligation de nettoyer les bateaux et un monitoring régulier et uniforme de la moule quagga.