Football: Commentaire: jouer le maintien, ce n’est pas aller à la guerre

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FootballCommentaire: jouer le maintien, ce n’est pas aller à la guerre

Quand une équipe se retrouve dans le dur comme l’est le SLO, recourir à un vocabulaire militaire est devenu la norme. Alors que des conflits, ailleurs, ravagent le monde, faisons la… guerre aux mots qui tuent. 

Nicolas Jacquier
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Nicolas Jacquier
Lanterne rouge de Super League, les joueurs du Stade-Lausanne-Ouchy se retrouvent face à leur destin avant la reprise et un premier match à Lugano, le dimanche 21 janvier.

Lanterne rouge de Super League, les joueurs du Stade-Lausanne-Ouchy se retrouvent face à leur destin avant la reprise et un premier match à Lugano, le dimanche 21 janvier.

Pascal Muller/freshfocus

C’est encore cette période de l’année si particulière où l’on (se) balance de gentilles choses. Et parce que l’on est poli ou que l’on pense l’être, on souhaite machinalement le meilleur, tout le bonheur du monde aux amis autant qu’aux collègues croisés devant la machine à café. Entre bonnes résolutions inutiles et fausses revendications nécessaires, la période des vœux, ça sert aussi à ça! Chacun peut donc y aller de ses incantations, plus ou moins réalisables, plus ou moins sincères…

Mais, en déplaçant le curseur sur le terrain du sport, une autre période a commencé en parallèle. On veut ici parler de la préparation des clubs de Super League avant une reprise du championnat qui interviendra plus tôt qu’à l’ordinaire, soit le week-end des 20 et 21 janvier déjà. Si certains ont sacrifié à la mode du traditionnel camp d’entraînement à l’étranger, tous ont déjà le regard braqué sur le calendrier. Pour chacun des mal classés, il y a, comme on pouvait s’y attendre, la volonté renouvelée d’affronter son destin en espérant que celui va rapidement changer.

Afin de souligner l’importance du moment, un grand - mais assez désolant - classique est même en train de réapparaître ces jours-ci, avec l’appel au sacro-saint sens du sacrifice des joueurs, transformés en vils mercenaires.

Métaphore guerrière

Directeur sportif du SLO, actuelle lanterne rouge de Super League, Hirac Yagan a été le premier à succomber cet hiver à cette métaphore guerrière. «Le maintien du SLO passera par une mentalité de guerrier», a-t-il rappelé à Blick avant d’évoquer les renforts attendus en des termes tout aussi équivoques: «Il faut qu’ils soient prêts à aller à la guerre.»

Le très efficace recruteur de la Pontaise n’est pas seul à transformer les terrains de sport en champs de bataille. Dirigeants, entraîneurs, joueurs, tous ou presque ont pris l’habitude d’emprunter ce langage barbare et sanguinolent à l’art militaire, y compris, trop souvent, les médias eux-mêmes. Au moment où les conflits se multiplient à travers la planète, on ne compte plus les missiles envoyés, les tirs meurtriers, les tacles assassins, etc. Comme l’on croule sous les opérations commando, les missions secrètes et autres idioties du genre dont on ne cesse, partout, de nous rebattre pourtant les oreilles. Autant de stéréotypes belliqueux n’ayant pas lieu d’être si l’on s’en tenait à l’éthique du sport.

Pour ce qui nous concerne, il existe d’autres moyens de jouer le maintien que de s’imaginer «transféré» sur un théâtre d’opérations militaires - fleur au fusil ou pas. Disputer un match de football, ce n’est pas vivre ou mourir. Pourquoi faudrait-il nécessairement «aller à la guerre» quand on enfile un maillot? Dans un monde à feu et à sang, il y a bien assez de conflits, de tristesse et de désolations pour ne pas devoir se glisser dans le rôle de parfaits petits soldats.

Réhabiliter le plaisir et le respect

Plutôt que d’évoquer l’indispensable «état d’esprit guerrier» qu’il conviendrait d’afficher pour coller à la réalité économique de l’enjeu, il serait urgemment temps de réhabiliter les valeurs de plaisir et de respect, deux notions trop souvent galvaudées quand elles ne sont pas carrément oubliées. Jouer le maintien, c’est d’abord, selon nous, simplement jouer au lieu de se lancer dans une improductive guerre des tranchées. Ce qui suppose de remettre le ballon au centre des préoccupations plutôt que de le faire prisonnier. Parce qu’en libérant le ballon et ceux qui lui donnent vie, on peut tout faire hormis la guerre.

Et si l’on essayait, au moins en théorie, d’aborder (ou de disputer) chaque match sous un angle plus ludique, en faisant la… guerre aux mots qui tuent? Ce sera là notre dernière résolution de l’année. Tant l’état d’esprit ne se mesure pas uniquement à l’aune des notions d’engagement et de courage qui lui sont associées à tort. Il n’est point besoin d’être un guerrier pour sauver le SLO - ou Bâle, Lausanne, Yverdon, etc.

On divague, on rêve? Peut-être. Mais qu’il est bon de rêvasser tant qu’on le peut.

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