Militant condamnéPour le Tribunal fédéral, la lutte pour le climat ne justifie pas tout
La haute cour demande que la justice genevoise revoie à la hausse la condamnation d’un militant du climat, qui avait été mis au bénéfice d’un «motif honorable».
- par
- Eric Felley
C’est un jugement qui pourrait faire jurisprudence pour bien d’autres cas. Le Tribunal fédéral vient de donner raison au Ministère public genevois, qui avait fait recours contre la condamnation trop légère d’un militant pour le climat.
L’affaire remonte à 2018, lorsque ce militant était sorti d’un cortège en ville de Genève et avait apposé des empreintes de mains à la peinture rouge sur la façade d’une grande banque. Reconnu coupable de «dommage à la propriété» par la Cour de justice du canton de Genève, il avait vu sa peine abaissée, car le tribunal avait retenu qu’il avait agi pour un «motif honorable» et «dans un état de profond désarroi».
Résultat, le militant avait écopé en 2022 d’une simple amende de 100 francs, contre laquelle le Ministère public a recouru au Tribunal fédéral. Celui-ci lui a donné raison le 30 mars dernier et l’affaire est renvoyée à Genève pour la fixation d’une nouvelle peine, sans le «motif honorable».
Une «préoccupation des plus respectables»
La réponse du Tribunal fédéral vaut son pesant de circonvolutions: «L’existence d’un «mobile honorable» lors de la commission d’un délit doit être évaluée sur la base d’une échelle de valeurs éthiques généralement reconnues, note le TF. Ainsi, les enjeux liés aux effets néfastes du changement climatique et à la nécessité de prendre rapidement des mesures pour réduire les gaz à effet de serre constituent aujourd’hui indéniablement une préoccupation des plus respectables dans notre société».
Des actions contre l’Etat de droit
Le Tribunal fédéral poursuit: «Néanmoins, ce caractère respectable est à exclure dans tous les cas où des actions entraînent, par leur violence, des dommages matériels ou un danger pour l’intégrité physique de tiers. Dans un Etat de droit tel que la Suisse, qui offre de larges garanties en matière de droits politiques et de liberté d’expression, des actions de telle nature ne peuvent en effet pas être justifiées par des idéaux politiques, aussi respectables soient-ils».
Le Tribunal fédéral ajoute aussi: «Ces actions de militants du climat ne peuvent donc pas être considérées d’emblée comme le reflet de l’expression de valeurs éthiques soutenues par l’ensemble de la population ou du moins par une majorité». Il peut concevoir qu’un mobile honorable soit retenu dans le cas d’actions non-violentes, comme un «sit-in de courte durée sur la voie publique», mais sans que la circulation soit perturbée.
Dans le cas du militant genevois de 2018, le «mobile honorable» ne peut être reconnu, notamment du fait que les dégâts se sont élevés à 2250 francs (dont 410 francs à la charge du condamné). Selon le TF, il ne s’agit pas «d’un cas mineur» et on ne peut retenir un acte commis «dans un état de profond désarroi»