FootballRoumanie-Suisse sera-t-il le dernier match de Murat Yakin?
La question du maintien du sélectionneur au-delà du match de mardi (20h45) se pose. Avec des arguments des deux côtés.
- par
- Valentin Schnorhk - Bucarest
L’histoire a commencé en août 2021. Il flottait encore dans le football suisse les effluves de la nuit de Bucarest quelques mois plus tôt, de cette élimination de la France à l’Euro, de cette sortie glorieuse en quarts de finale après avoir capitulé aux tirs au but contre l’Espagne. Murat Yakin arrivait là, en successeur d’un Vladimir Petkovic parti.
Coïncidence peut-être. C’est là, dans la même Arena Națională où Petkovic est devenu un héros de son temps que Murat Yakin va peut-être partir la tête basse, après vingt-sept mois de fonction. Le trentième match du sélectionneur de l’équipe de Suisse sera-t-il aussi son dernier? Verra-t-il l’Euro 2024?
«Nous sommes qualifiés pour l’Euro et c’était le plus important, a-t-il balayé lundi lorsque la question lui a été posée. On l’a mérité, on y est, en ayant pratiqué du foot. Le reste ne m’intéresse pas, je vous laisse les commentaires.» Voilà.
Les commentaires viennent aussi de l’ASF, et Pierluigi Tami en tête, ont souligné ces derniers jours qu’une analyse serait faite à la fin de cette campagne de qualification. «Il y a toutes les possibilités», a soutenu le Tessinois samedi, incapable de dire clairement que Yakin sera encore en poste lorsqu’il s’agira d’aller en Allemagne l’été prochain.
À l’interne, la réflexion doit être soutenue. Elle doit prendre en compte ce qui plaide pour une séparation, mais ce qui doit aussi être pris en considération avant de prononcer une telle décision.
Ce qui plaide pour la fin de l’histoire
Les résultats: au mieux, mardi soir, la Suisse sera première de son groupe. C’est le minimum attendu: elle était tête de série. Mais elle sera très loin de son bilan rêvé de dix victoires en autant de matchs. Elle ne compte pour l’instant que quatre succès (et cinq matchs nuls), dont deux contre Andorre. Surtout, sur les sept derniers matchs, ses seules victoires ont été celles-ci. Très loin des attentes.
L’incapacité à remonter la pente: ce mois de novembre est déjà le troisième rendez-vous de l’automne pour l’équipe nationale. En septembre, en octobre, en novembre, les problèmes ont été les mêmes, avec une Suisse qui ne maîtrise plus ses matchs et qui se met dans des situations délicates quel que soit l’adversaire. D’une rencontre à l’autre, Yakin n’a eu aucun impact.
Il a perdu son groupe: il n’y a sans doute jamais eu une harmonie totale entre les joueurs et leur sélectionneur, depuis l’arrivée de celui-ci à l’été 2021. Mais tout le monde avait fait l’effort, dans un premier temps. Le fait est que le climat n’a cessé de se dégrader au cours de l’année 2022, pendant la Coupe du monde et durant ces derniers mois. Yakin n’a aucune prise sur ses cadres, qui le lui montrent.
Il semble avoir lâché: Dans l’attitude du sélectionneur, il y a aussi des signes qui interpellent de plus en plus. Comme lorsqu’il s’autocongratule après la qualification, soulignant que son équipe est «attractive». Comme quand il élude les questions en conférence de presse. Comme lorsqu’il semble moins réactif sur le banc, presque détaché de son équipe. Se sent-il la capacité de se remobiliser? En a-t-il seulement l’envie?
Ce qui plaide contre un changement immédiat
Qui à sa place? Trouver le remplaçant idéal n’est pas évident non plus. Il y aurait un peu de temps, certes: les prochaines dates internationales ont lieu en mars. Mais qui sont les candidats qui s’imposent, qui serait crédibles à l’interne mais également légitimes pour l’extérieur? En l’occurrence, pas sûr qu’un intérim de Pierluigi Tami jusqu’à l’Euro soit bien compris. Urs Fischer, tout juste écarté de l’Union Berlin, a l’envergure, mais prône-t-il un football qui convient? Lucien Favre serait-il prêt à faire le pas? Vladimir Petkovic serait-il prêt à remettre en jeu sa réputation? Alain Geiger en a-t-il l’envergure? Faut-il un étranger? La meilleure solution ne s’impose pas.
Cela donnerait raison aux cadres: qui décide en équipe de Suisse? L’ASF? Le sélectionneur? Granit Xhaka et les autres leaders? D’une certaine manière, en changeant de sélectionneur, les dirigeants du football suisse feraient une fleur aux joueurs qui montrent assez expressément qu’ils n’ont plus envie de cet entraîneur-là. Est-ce cela, une fédération forte? Pas sûr. Mais si elle l’était, elle l’aurait déjà montré, notamment après le Mondial.
Yakin a un contrat: puisque la Suisse s’est qualifiée pour l’Euro, le contrat du sélectionneur a été prolongé jusqu’à la fin du championnat d’Europe. Le rompre, cela suppose des coûts. Alors même que l’ASF a présenté une perte de 2,37 millions de francs pour 2022. D’autant que la fédération a des projets: l’Euro 2025 féminin qu’elle organise, la Maison du football suisse que le président Dominique Blanc veut porter avant de tirer sa révérence en 2025. Il y a des calculs à faire.