BeyrouthBrève arrestation du frère d’une des victimes de l’explosion de 2020
«Nous voulons juste que la vérité soit faite et que la justice soit rendue», a déclaré William Noun à des télévisions locales après sa libération, samedi dans la capitale libanaise.
Une figure emblématique des familles des victimes de l’explosion meurtrière au port de Beyrouth a été relâchée samedi au lendemain de son arrestation pour avoir dénoncé les obstructions à l’enquête.
Menaces à la télévision
William Noun, dont le frère sapeur-pompier a été tué dans la gigantesque explosion le 4 août 2020, avait été arrêté vendredi soir pour des propos tenus lors d’une émission télévisée la veille, a déclaré une source judiciaire à l’AFP. Il a été libéré samedi après-midi, selon des chaînes locales, alors que des militants et proches de victimes de l’explosion s’étaient rassemblés pour réclamer sa libération.
«Nous voulons juste que la vérité soit faite et que la justice soit rendue», a déclaré William Noun à des télévisions locales après sa libération. Dans l’émission jeudi, il avait menacé de «dynamiter le palais de justice» pour protester contre les autorités qui veulent, selon lui, court-circuiter l’enquête menée par le juge d’instruction Tarek Bitar, en cherchant à nommer un juge suppléant.
L’explosion de 2020 a fait plus de 215 morts et 6500 blessés et dévasté des quartiers entiers de la capitale libanaise. Elle a été déclenchée dans un entrepôt abritant des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium stockées sans précaution.
«Faire monter la pression»
Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités sont accusées par les familles des victimes et des ONG de torpiller l’enquête pour éviter des inculpations. Mardi, des chaînes locales avaient diffusé des images d’une manifestation réclamant la reprise de l’enquête sur lesquelles des protestataires, dont William Noun, étaient vus en train de jeter des pierres sur le Palais de justice, brisant des vitres.
L’avocat de William Noun, Ralph Tannous, a déclaré à une chaîne locale que son client s’était engagé, lorsqu’il a été relâché, à ne plus jeter de pierres sur le Palais de justice et ne pas insulter les juges. Plus tôt lors de la manifestation, avant l’annonce de sa libération, sa mère Zeina Noun avait protesté contre son arrestation. «Qu’a fait William ? Il demande à ce que soit jugé celui qui a tué son frère».
«On a l’intention de faire monter la pression parce qu’on arrive à bout (...) Notre cause n’avance pas», a déclaré à l’AFP lors du rassemblement Paul Naggear, qui a perdu sa fille de trois ans dans l’explosion. Plusieurs députés, avocats et religieux chrétiens ont également participé à la manifestation, Ralph Tannous dénonçant «une tentative d’intimidation. «Si seulement ils appliquaient avec autant de rigueur les mandats d’arrêt émis par le juge d’instruction dans l’enquête sur le crime du port», a déploré, dans une déclaration à l’AFP, l’avocat et député Melhem Khalaf.
«Pas indépendant»
Tarek Bitar a tenté d’engager des poursuites contre un ex-Premier ministre, quatre anciens ministres et plusieurs responsables sécuritaires, dont le chef de la Sûreté d’Etat. Mais son travail a été bloqué par une série de poursuites lancées contre lui et par une campagne dirigée par le Hezbollah, puissant mouvement armé, qui accuse le juge de partialité.
«L’arrestation de William Noun montre clairement que la justice libanaise est plus encline à protéger ceux qui sont au pouvoir et ceux qui sont responsables de l’explosion de Beyrouth, que l’intérêt public», a estimé de son côté Aya Majzoub, directrice régionale adjointe à Amnesty International. «Notre système judiciaire n’est pas indépendant, c’est un outil de la classe politique», a-t-elle ajouté.