Rapport SauvéCastex à Rome lundi, en pleine tourmente pour l’Église de France
Dans la capitale italienne, le Premier ministre français rencontrera Mario Draghi et sera reçu en audience privée par le pape François.
Jean Castex se rend lundi à Rome, où il doit rencontrer son homologue italien Mario Draghi, et être reçu en audience privée par le pape François, au milieu d’une tempête pour l’Église de France confrontée au rapport retentissant sur les abus sexuels. Ce qui ne devait être qu’une simple visite marquant le centenaire du rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège a pris une autre dimension à la suite de la publication, la semaine dernière, des conclusions de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), présidée par le haut fonctionnaire Jean-Marc Sauvé.
À la stupeur du nombre de victimes estimé – 216’000 mineurs agressés par un prêtre ou un religieux en France depuis les années 1950, 330’000 en comptant les agresseurs laïcs en lien avec les institutions de l’Église – s’est ajoutée une polémique autour du «secret de la confession», qui serait «supérieur aux lois de la République». Cela a débouché sur une explication de texte entre le président de la Conférence des évêques de France (CEF) Emmanuel de Moulins-Beaufort, qui a évoqué une «formulation maladroite», et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
À la veille de ce premier tête à tête depuis 2009 entre un locataire de Matignon et le souverain pontife, l’exécutif souhaite d’abord circonscrire le débat aux frontières nationales en rappelant que «l’interlocuteur du gouvernement, c’est l’Église de France». Il ne s’agit donc pas d’exhorter le pape, qui a déjà exprimé sa «honte» et sa «douleur» après le rapport de la Ciase, à se positionner davantage devant Jean Castex: «La pierre est avant tout dans le jardin des évêques» de France, qui devront «dire comment articuler la protection des enfants et le secret de la confession qui, dans le droit français, est un secret professionnel, ni plus ni moins», font valoir les services du Premier ministre.
Surtout que le Vatican marche aussi sur un fil: d’un côté, un formulaire de signalement de délit a été créé et mis à disposition de tout ecclésiastique en juillet 2020; de l’autre, le Saint-Siège a confirmé la primauté du secret de la confession, le confesseur étant simplement encouragé à «tenter de convaincre le pénitent» d’alerter des personnes en mesure, elles, de saisir la justice. Le Premier ministre, qui rencontrera plusieurs dignitaires du Saint-Siège ainsi que des représentants de la communauté ecclésiastique française, assurera qu’il suivra «de très près les décisions que vont prendre les évêques dans les prochaines semaines pour lutter contre ce fléau de la pédocriminalité dans l’Église», prévient encore son entourage.
L’immigration dans le viseur
Accompagné du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, Jean Castex s’entretiendra également une heure durant dans l’après-midi avec Mario Draghi, son homologue chef du gouvernement. Plusieurs sujets seront sur la table avec l’ancien patron de la Banque centrale européenne, à commencer par le projet de traité du Quirinal, qui doit donner «un cadre plus stable et ambitieux» à la coopération franco-italienne. Les deux parties espèrent aboutir d’ici la fin de l’année sur ce dossier lancé en 2017.
Mais depuis 4 ans, France et Italie ont aussi connu des épisodes de tension parfois vive, en particulier sur la question migratoire qui sera encore au cœur des discussions lundi. Les deux pays connaissent des problématiques différentes mais liées: l’Italie étant une des principales portes d’entrée sur le continent, pour des migrants et réfugiés se rendant ensuite en France ou en Allemagne principalement. Dans ce cadre, la France, qui exercera la présidence semestrielle de l’Union européenne à partir de janvier, compte faire du renforcement des frontières extérieures de l’Europe une priorité. Un message que Jean Castex devrait renouveler lundi.
En visite dans une île grecque début octobre, Gérald Darmanin a ainsi prôné la mise en place de camps d’enregistrement sécurisés non seulement en Grèce mais aussi «en Italie, en Espagne, à Malte». Des filtres qui conditionneront une «politique de solidarité», c’est à dire l’attribution de fonds à ces pays, objets d’une négociation serrée depuis un an à Bruxelles.