Alcool à la MigrosGottlieb Duttweiler avait mis de l’eau dans son vin lors d’une interview
Les délégués du géant orange ont-ils renié les valeurs de l’entreprise en ouvrant hier la porte à la vente d’alcool? Pas forcément. Le fondateur, Gottlieb Duttweiler, n’était pas catégorique sur cette question. Du reste, la démocratie est un autre pilier de la société.
La presse dominicale suisse alémanique est revenue sur la décision prise hier par les délégués de la Fédération des coopératives Migros d’autoriser le groupe à vendre de l’alcool. Le fondateur Gottlieb Duttweiler était à l’origine du bannissement des produits alcoolisés des rayons, en raison de considérations de santé publique.
Selon la «NZZ am Sonntag», qui cite une archive audio de la Migros datée des années 1950, l’homme craignait à l’origine que des prix bas (environ 58 centimes par litre dans les années 1920) incitent à la surconsommation. Par la suite, il aurait cependant proposé de vendre du vin local comme produit d’appel. Une idée qu’il lui vaut d’être «presque lapidé» par le conseil de coopérative. Dans cette interview, Duttweiler finit par spéculer: «Peut-être qu'en tout dernier recours, la vente de vin sera introduite dans les cinquante prochaines années.»
Le journal zurichois cite également le journaliste Karl Lüönd, qui a préfacé la biographie Duttweiler. «S’adapter à de nouvelles circonstances serait plus fort pour lui que de maintenir une idéologie préconçue», affirme-t-il. La peur de voir les ouvriers «boire leur salaire» sur le chemin de l’usine n’est plus aussi présente, bien que les organisations de lutte contre la dépendance, Addiction Suisse par exemple, se montrent critiques.
Normes démocratiques
Quoiqu’en aurait pensé Duttweiler, les responsables actuels de la Migros ont eux décidé de franchir le pas. Les délégués ont accepté à 85 voix contre 22 ce changement de cap. Aux coopératives régionales de se prononcer désormais. Leur comité décidera en décembre de l’ouverture d’une consultation auprès des coopérateurs.
Un processus démocratique qui fait aussi partie des valeurs de la société voulues par le fondateur. «Nous sommes une entreprise démocratique et la décision permet la poursuite du processus démocratique sur cette question, ce qui correspond aussi à l'idéal de Gottlieb Duttweiler», a déclaré au «SonntagsBlick» le président de la Fondation Duttweiler, David Bosshart.