FootballQuand Xamax imitait le Barça et le Real mais… en plus fort!
Le double barrage contre Aarau de 2019 est resté à jamais gravé dans les mémoires. Cinq ans plus tard, le club de la Maladière a bientôt fini de se reconstruire comme il l’a rappelé vendredi contre ce même Aarau (3-1).
- par
- Nicolas Jacquier - Neuchâtel
Rien n’y fera et cela restera probablement ainsi pendant encore très longtemps: chaque fois que Xamax et Aarau s’affrontent (soit au minimum quatre fois par saison), on se retrouve aussitôt transporté au printemps 2019, lors des barrages les plus dingues de l’histoire du football suisse sinon européen voire mondial tant ce qui s’était passé ces jours-là devait échapper à toute forme de logique humaine.
Xamax-Aarau, c’est en permanence la réminiscence d’un double rendez-vous qui avait marqué ceux et celles qui avaient eu la chance (?) d’y assister et atteint un niveau d’intensité dramatique tel qu’il faudra sans doute plusieurs générations pour que les souvenirs finissent par s’estomper.
Près de cinq ans plus tard, tout a changé, ou presque - hormis Ramizi (de retour à Xamax) et Jäckle (resté fidèle à Aarau), les autres acteurs ne sont plus là -, mais tout est demeuré intact dans notre esprit comme si cela s’était déroulé hier. Faut-il vraiment vous rafraîchir la mémoire?
Ce 30 mai 2019, Xamax, barragiste de Super League à la rue, s’était incliné 0-4 à Neuchâtel sous les huées, prenant congé de son public et de l’élite de la pire des manière dans une manche aller marquée aussi par l’expulsion de Nuzzolo (52e), coupable d’avoir supposément craché sur l’arbitre, ce que l’attaquant a toujours contesté (il finira par être blanchi, faute de preuve). Avant, trois jours plus tard, de ressusciter d’entre les morts - personne n’a jamais trop su comment, et pas davantage Stéphane Henchoz, pourtant à l’origine de ce renversement historique.
Remontada à l’envers
Parce qu’en ce 2 juin 2019 de légende, les naufragés neuchâtelois s’étaient transformés en héros portés en triomphe par ceux-là mêmes qui n’avaient pas eu de mots assez fort pour les houspiller à l’issue de la manche aller (0-4).
En signant une remontada à l’envers conclue aux tirs au but (4-5), Xamax était instantanément devenu l’égal du Barça, du Real Madrid, de Liverpool et d’autres cadors, tous passés maîtres dans l’art de renverser des situations désespérées dans les différentes compétitions européennes; mais peut-être, dans le cas des révoltés de la Maladière, en plus fort encore si l’on considère que ceux-ci avait réussi leur impossible exploit sur terrain adverse. Une année plus tard, la sanction sportive finissait quand même par rattraper Xamax, lequel n’avait cette fois pas pu échapper à la relégation. A force de jouer les équilibristes, on finit par se casser la gueule.
Désormais propriété de Jean-François Collet, qui avait racheté le club à Christian Binggeli quelques mois après le miracle du Brügglifeld, Xamax s’est depuis patiemment reconstruit et sa métamorphose est sur le point de s’achever. Après un dernier exercice catastrophique qui s’était terminé par un nouveau barrage pour éviter cette fois la Promotion League, le club «rouge et noir» vit cette année un championnat nettement plus serein.
Les mérites de Forte
La présence d’Uli Forte sur son banc – le technicien zurichois est arrivé voici bientôt une année à la Maladière alors qu’il s’agissait de sauver ce qui pouvait encore l’être - n’est pas étrangère à cette spectaculaire embellie. Ce vendredi en ouverture de la 29e journée, six jours après avoir plongé à la Stockhorn Arena en encaissant quatre buts en seconde période, Xamax a marché sur Aarau (3-1) comme il avait déjà réussi à le faire contre Thoune à domicile.
A l’occasion de ses retrouvailles, les changements apportés par le coach (aussi bien au niveau du système que du choix des hommes) ont porté leurs fruits. «A Thoune il y a une semaine, on était revenu sur le terrain en dormant. Cette fois, savourait Forte, tout le monde était beaucoup plus attentif et concentré.»
A considérer ce que Xamax est capable de montrer lorsqu’il ne s’oublie pas, le temps n’est-il pas à celui des regrets du côté de la Maladière? Si les Neuchâtelois, qui avaient occupé, faut-il le rappeler, le fauteuil de leader inattendu en début de championnat, avaient affiché la même grinta et disputé tous leurs matches avec la même intensité que face aux Argoviens, la bataille pour la promotion ne se serait peut-être pas réduite au seul duel entre Sion et Thoune. De ce scénario-là, Uli Forte ne veut pourtant pas entendre parler; sans doute parce que c’est trop tôt. «Il faut se souvenir d’où l’on vient. On sort d’un championnat noir.»
Aussi le coach xamaxien ne fait-il pas une fixation sur cette fameuse 3e place que son équipe vient de retrouver. «Ce n’est pas quelque chose d’existentielle pour nous. Mais si l’on parvient à accrocher cette 3e place jusqu’à la fin, on aura fait bien mieux que ce que l’on espérait.» A la Maladière, on est davantage attaché à déjà préparer la saison 2024-2025, sachant que beaucoup de joueurs arrivent en fin de contrat et que la plupart d’entre eux ne seront pas conservés.
Parfum d’irrationalité
Quand Xamax et Aarau se retrouvent, il flotte donc toujours ce doux parfum d’irrationalité qui avait permis aux Neuchâtelois d’entrer dans l’histoire à leur manière. Peut-on vraiment exorciser le passé quand celui-ci est toujours aussi présent dans les esprits?
Ce vendredi soir, le nouveau Xamax a néanmoins montré qu’il pouvait résolument se tourner vers l’avenir avec autant de confiance que d’ambitions. Parce qu’il a offert des émotions et du plaisir à son public, rappelant en cela les scènes de liesse et d’effusions de joie d’un 2 juin 2019 gravé à jamais dans la mémoire collective. A la Maladière, on a compris qu’il ne pouvait pas y avoir de passion sans émotions.