FauneIl ne reste que dix marsouins du Pacifique… dans le monde
Alors que le nombre de marsouins du Pacifique se résume à la portion congrue, des scientifiques espèrent encore sauver cette espèce de l’extinction.
On les croyait condamnés à l’extinction: les marsouins du Pacifique sont aujourd’hui l’espèce de mammifères marins la plus menacée. Et pour cause, les scientifiques estiment qu’il n’en reste que dix environ dans les eaux du golfe de Californie. Face à ce constat, beaucoup estimaient que cet animal ne pourrait jamais s’en remettre. En cause, la consanguinité forcée des futures progénitures.
Mais cette théorie est aujourd’hui contredite par une nouvelle étude, publiée jeudi dans la prestigieuse revue «Science». Malgré leur faible nombre, les marsouins ne sont pas voués à disparaître pour des raisons génétiques, assure-t-elle. Du moins à une condition: que les pratiques de pêche à l’origine de leur déclin cessent complètement.
«Nous essayons d’aller à l’encontre de cette idée qu’il n’y a aucun espoir, qu’il n’y a rien que nous puissions faire pour les sauver», a déclaré à l’AFP Jacqueline Robinson, auteure principale de l’étude et chercheuse à l’Université de Californie à San Francisco. La campagne pour la survie de cette espèce mobilise notamment l’acteur Leonardo DiCaprio et est devenue un enjeu diplomatique, les États-Unis faisant pression sur le Mexique.
Faible diversité génétique
De la même famille que les dauphins, ces marsouins mesurent en moyenne un peu plus de 1 mètre seulement, ce qui en fait la plus petite espèce de cétacés. Appelé vaquita marina (petite vache marine) au Mexique, l’animal ne vit que dans une zone très restreinte, dans le nord du golfe de Californie.
Au XXe siècle, il a été décimé par les larges filets maillants utilisés pour pêcher notamment un poisson lui-même menacé, le totoaba, très recherché dans certains pays. Bien que la pêche de ce poisson ait été déclarée illégale, l’interdiction n’est pas toujours respectée.
Or les marsouins se prennent dans ces filets, ce qui cause leur mort. Lors de leur premier recensement, en 1997, ils n’étaient déjà plus qu’au nombre de 570. Aujourd’hui, l’espèce est au bord de l’extinction, et certains ont estimé que leur sort était désormais scellé, du fait d’une consanguinité inévitable. Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont analysé le génome de 20 marsouins, à partir d’échantillons prélevés entre 1985 et 2017 (la plupart sur des individus morts) et conservés depuis.
Ça leur a permis de déterminer que les marsouins du Pacifique ont toujours été une espèce rare, leur population n’ayant jamais dépassé quelques milliers sur les 250’000 dernières années. Leur diversité génétique est ainsi très faible. Un résultat confirmé par la comparaison de leur génome à celui de onze autres espèces (dauphins, orques, baleines…). «En général, on estime qu’une faible diversité génétique est une mauvaise chose. Mais dans ce cas ça représente un avantage pour la possibilité de survie des marsouins du Pacifique», a expliqué Jacqueline Robinson.
Stopper les filets
Si la pêche au filet cesse totalement, alors le risque d’extinction de l’espèce n’est que de 6%. Mais si la pêche est seulement réduite, les risques d’extinction augmentent drastiquement: même avec 80% de réduction de la pêche, les marsouins ont 62% de chance de disparaître.
S’il est donc encore possible de les sauver, il y a urgence, alertent les chercheurs. «Si nous les perdons, ce sera le résultat de choix humains, pas de facteurs génétiques», a souligné dans un communiqué Christopher Kyriazis, de l’Université de Californie à Los Angeles et coauteur de l’étude. Les scientifiques estiment que leurs simulations pourraient être appliquées à d’autres espèces rares, comme les tigres, la panthère de Floride, le diable de Tasmanie… Pour lesquelles ils espèrent aussi apporter un peu d’espoir.