Royaume-Uni - Dix ans après les émeutes de Londres, la fracture reste béante entre police et minorités

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Royaume-UniDix ans après les émeutes de Londres, la fracture reste béante entre police et minorités

Au Royaume-Uni, dix ans après les émeutes suivant la mort d’un homme tué par la police, la méfiance persiste entre minorités ethniques et forces de l’ordre.

En août 2011, des émeutes avaient secoué Londres. Des manifestants en colère avaient même, dans le quartier de Tottenham, mis le feu à un bus à deux étages.

En août 2011, des émeutes avaient secoué Londres. Des manifestants en colère avaient même, dans le quartier de Tottenham, mis le feu à un bus à deux étages.

AFP

Le 4 août 2011, Mark Duggan, un père de six enfants, métis, âgé de 29 ans, était tué par un policier, à la suite d’une filature. Son quartier de Tottenham, dans le nord de Londres, s’est alors embrasé. Attisées par les difficultés économiques, les émeutes se répandirent en Angleterre, faisant cinq morts et des dégâts considérables.

La justice a conclu que les policiers avaient agi «légalement» en ouvrant le feu sur le jeune homme, qu’ils croyaient armé, mais qui s’était débarrassé de son pistolet un instant plus tôt. La police a néanmoins reconnu qu’elle avait «encore beaucoup à faire» pour améliorer ses relations avec la population noire. Il y a 20 ans déjà, un rapport majeur sur le meurtre raciste d’un adolescent noir avait qualifié la police de Londres d'«institutionnellement raciste».

«Disparités raciales injustifiées et enracinées»

Récemment, un nouveau rapport parlementaire a dénoncé des «disparités raciales injustifiées persistantes et enracinées» dans le maintien de l’ordre et un «échec systémique» à lutter contre les inégalités persistant au Royaume-Uni, où le mouvement Black Lives Matter a donné lieu à d’importantes manifestations, l’an dernier.

L’un des points de friction porte sur le «stop and search», contrôles et fouilles qui ont permis aux forces de l’ordre de procéder à 74’000 interpellations et 11’000 saisies d’armes l’an dernier. Sur une période d’un an jusqu’à mars 2020, les Noirs avaient neuf fois plus de chances d’y être soumis que les Blancs en Angleterre et au pays de Galles.

«Relations au plus bas»

Selon Ken Hinds, 62 ans, qui mène un groupe de surveillance des pratiques policières dans le quartier londonien de Haringey, épicentre des émeutes de 2011, les relations sont «au plus bas» entre la police et la population noire, sur fond de roulement fréquent des responsables policiers et d’interpellations musclées. «Aucune leçon n’est tirée. Ce que nous améliorons un jour est fragilisé le lendemain», déclare-t-il.

Un récent rapport sur les disparités raciales est parvenu à la conclusion controversée que le Royaume-Uni représente un «modèle pour les autres pays à population majoritairement blanche». Mais les minorités restent sous-représentées au sein de la police, particulièrement dans la hiérarchie. Elles représentent 7,6% dans les rangs de la police en Angleterre et au pays de Galles, contre 14% de la population.

Au moins 20 ans avant la représentativité

La représentativité des forces de l’ordre ne sera pas atteinte avant 20 ans, estime le rapport parlementaire publié le mois dernier. Et selon l’association spécialisée Inquest, les personnes issues des minorités sont surreprésentées parmi les décès résultant de l’usage de la force par la police.

Selon un rapport du cercle de réflexion Henry Jackson Society, classé à droite, 57% des Britanniques noirs estiment que leur population est traitée injustement par la police. À Haringey, nombre d’habitants perçoivent les forces de l’ordre comme une «force d’occupation», selon Ken Hinds. «Il n’y a pas de respect pour la police», souligne-t-il, estimant que les choses ne sont pas près de changer tant qu’ils sont traités différemment.

Coupes budgétaires préjudiciables

David Lammy, député travailliste de Tottenham et auteur, en 2017, d’un rapport sur les inégalités dans le système pénal, souligne que les coupes budgétaires affectant police et collectivités risquent de recréer le terreau sur lequel les émeutes ont poussé. «Par son échec à mettre en œuvre des mesures conçues pour s’attaquer au mécontentement dans la société», le premier ministre «Boris Johnson risque de laisser une étincelle mettre le feu aux poudres», a écrit le député d’opposition dans le «Guardian».

Le secrétaire d’État chargé de la police, Kilt Malthouse, met en avant des «améliorations majeures», mais a concédé qu’il reste «beaucoup à faire».

Les Noirs lui «font le moins confiance»

L’un des hauts responsables de la police de Londres, Stephen House, a reconnu que les habitants noirs de la capitale sont ceux qui lui font le moins confiance. Mais recrutement d’officiers issus de la diversité et formation peuvent changer la Metropolitan police «de l’intérieur» et remporter la confiance de toutes les communautés, assure-t-il.

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