Guerre en Ukraine«Quand je sortais dans la cour, les balles sifflaient au-dessus de ma tête»
Après avoir résisté pendant des mois aux bombardements, les habitants de Bakhmout, assiégée par l’armée russe, sont de plus en plus nombreux à fuir depuis la chute de Soledar, ville voisine.
Olena Morozova a résisté pendant des mois aux bombardements sur Bakhmout, au cœur de ce qui est devenu la bataille la plus terrible de la guerre en Ukraine, mais jeudi elle en a eu assez. «Quand je sortais dans la cour, les balles sifflaient au-dessus de ma tête. Mes mains tremblaient. Je ne le supportais plus», dit-elle, ses affaires près d’elle, en attendant d’être évacuée dans un centre d’aide humanitaire.
Son fils a prié sa mère, âgée de 69 ans, de quitter une bonne fois la ville assiégée, qui n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était: quelques milliers de personnes – contre 70’000 avant la guerre – trouvant refuge dans les sous-sols et dépendant de l’aide humanitaire pour survivre à l’enfer.
Au cours des derniers jours, la Russie a gagné du terrain, occupant la ville voisine de Soledar. «J’ai pensé à quitter la ville il y a deux semaines, mais je n’arrivais pas à me décider», a expliqué Olena Morozova. «Maintenant nous savons qu’ils (les Russes) approchent, ils sont déjà en banlieue, pas loin de nous, et nous ne voulons pas d’eux dans nos vies.»
Olena, 69 ans, est partie de nuit, en poussant son chariot
Les habitants de Bakhmout ont longtemps été nombreux à résister aux bombardements quasi-permanents, dit Tetiana Scherbak, 51 ans, volontaire au sein de l’ONG Unity of People, qui a mis en place des centres d’aide humanitaire dans la ville. Mais ces derniers jours, ils sont de plus en plus nombreux à partir.
«Les habitants choisissent d’être évacués car les attaques sont devenues plus fréquentes», dit-elle. «Les Russes sont arrivés tout près de la ville, de nombreuses maisons ont été détruites». Et puis avec le froid, la situation devient invivable, explique Tetiana Scherbak. «C’est maintenant l’hiver. Les gens sont restés tant qu’ils avaient des maisons.»
Quand Olena Morozova et sa voisine ont décidé d’évacuer, elles sont parties de nuit, alors que les bombardements avaient baissé en intensité. Elles ont longtemps poussé des chariots, chargés de leurs affaires, avant de traverser le fleuve et atteindre l’un des centres d’aide humanitaire où elles se sont effondrées et ont pu dormir dans l’attente d’être évacuées en voiture vers Kramatorsk, quelque 30 km plus loin. «Je suis déjà âgée et c’est dur de tout quitter», confie Olena Morozova.
Tout recommencer à zéro
Natalia et sa mère Valentina ont elles aussi quitté l’est de la ville jeudi matin, avec leur chat, leur radio et quelques affaires. «Nous sommes restées tant que c’était supportable. Mais hier, on a annoncé que les forces ukrainiennes avaient quitté Soledar et Soledar est tout près de chez nous», a expliqué Valentina, 73 ans.
Elles ont vu d’autres civils, habitant à l’autre bout de leur rue, être évacués vers les lignes russes. Sa propre famille a été déchirée par la guerre. Elle s’est séparée de son mari «pour des raisons politiques». «Il soutenait les nouvelles autorités», a-t-elle dit.
Devoir abandonner sa ville natale lui brise le cœur. Et Valentina se demande dans quel état elle trouvera sa maison et son commerce si jamais elle revient un jour. «J’ai du mal à comprendre le sens de ma vie ici pendant 50 ans, a-t-elle dit. Je vais devoir recommencer à zéro.»