Kurdes tués à ParisLe discernement du tueur «altéré» selon une expertise psychiatrique
Deux médecins se sont penchés sur la personnalité du sexagénaire qui avait ouvert le feu près d’un centre culturel kurde de la capitale française en décembre, faisant trois morts.
Une expertise psychiatrique a conclu que «dans une certaine mesure» le discernement de William M. était altéré lorsqu’il a tué par balles trois Kurdes en décembre à Paris, et que le sexagénaire était atteint de troubles de la personnalité.
«Registre de paranoïa de caractère»
«Son examen psychiatrique ne met pas en évidence une maladie mentale évolutive ou constituée» mais «révèle des troubles de la personnalité dans un registre de paranoïa de caractère», selon les conclusions d’une expertise psychiatrique révélées jeudi par «Le Parisien» et consultées par l’AFP. Les deux médecins psychiatres qui l’ont examiné le 4 janvier considèrent que ces troubles de la personnalité justifient «dans une certaine mesure, que l’on considère son discernement comme ayant été altéré».
«William M. n’était pas atteint au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes», notent-ils toutefois. Le 23 décembre, William M., conducteur de train retraité de 69 ans, avait ouvert le feu près du centre culturel kurde rue d’Enghien (Xe), faisant trois morts et trois blessés. Mis en examen pour assassinats et tentatives d’assassinats à caractère raciste, il a été écroué.
Haine «pathologique» des étrangers
En garde à vue, il a reconnu sa haine «pathologique» des étrangers. Il était sorti de prison le 12 décembre après un an de détention provisoire pour avoir blessé avec un sabre des migrants dans un campement parisien en décembre 2021. Au moment des faits rue d’Enghien, il était dans «une impasse situationnelle, un vécu d’échec existentiel, après une bascule lors du cambriolage de son pavillon» en 2016, selon les conclusions de l’expertise psychiatrique remise aux juges d’instruction le 23 janvier.
William M. a été condamné à douze mois d’emprisonnement en juin 2022 pour violences avec armes pour avoir blessé ses cambrioleurs. Il a fait appel. «Se sentant démuni, impuissant, désarmé, il a conçu l’idée raciste d’une tuerie de masse suivie d’un suicide comme solution restauratrice, vengeresse, révélatrice à la face du monde de sa propre souffrance, dans un massacre perpétré contre ceux qui, selon lui, l’ont menacé et qui, dans sa vision, menacent le monde», écrivent les psychiatres.
«Loup solitaire»
Lorsqu’ils l’ont rencontré à la maison d’arrêt de la Santé où il est incarcéré, à Paris, «William M. ne présentait pas d’état dangereux» nécessitant une hospitalisation en milieu psychiatrique. Contacté, l’avocat de William M. n’a pas donné suite.
«On a essayé de nous dépeindre un individu déprimé qui n’avait pas toutes ses facultés» mais «il est responsable de ses actes» et il est pénalement responsable, a souligné Berivan Firat, porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), partie civile, lors d’une conférence de presse jeudi. Me Christian Charrière-Bournazel, l’un des avocats du CDK-F, demande aux trois juges d’instruction d’explorer toutes les pistes «pour savoir de quelle manière il aurait pu être mandaté ou influencé de manière très décisive par des agents du gouvernement actuel turc qui n’a qu’une obsession, c’est de réduire les Kurdes».
«Nous avons le sentiment qu’une seule piste est actuellement étudiée», celle «d’un loup solitaire qui commet une attaque isolée», a regretté Agit Polat, autre porte-parole du CDK-F, qui demande à nouveau que le parquet antiterroriste se saisisse des investigations.