Afrique de l’Ouest - La Cédéao suspend la Guinée après le coup d’Etat

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Afrique de l’OuestLa Cédéao suspend la Guinée après le coup d’État

Les dirigeants des États ouest-africains ont réclamé la libération du président Alpha Condé mais n’ont pas imposé de sanctions économiques à la Guinée.

Les putschistes disent avoir agi pour mettre fin à «la gabegie financière», la «corruption» et le «piétinement des droits des citoyens».

Les putschistes disent avoir agi pour mettre fin à «la gabegie financière», la «corruption» et le «piétinement des droits des citoyens».

AFP

Les dirigeants des États ouest-africains ont suspendu mercredi la Guinée de leur organisation régionale à la suite du coup d’État militaire de dimanche, mais se sont gardés de mesures économiques en attendant l’envoi d’une mission diplomatique.

Les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont tenu mercredi un sommet virtuel sur ce que le chef de l’État ghanéen, Nano Akufo-Addo, s’exprimant en ouverture au titre de la présidence tournante de l’organisation, a qualifié de «violation claire de notre charte sur la bonne gouvernance».

«La Conférence exprime sa très vive préoccupation face aux développements politiques survenus en République de Guinée suite au coup d’État du 5 septembre 2021 et leurs conséquences sur la paix et la stabilité régionale», a critiqué l’organisation dans un communiqué publié mercredi soir, qui «condamne, avec la plus grande vigueur, ce coup de force».

Une mission dépêchée en Guinée

La Cédéao a pris une première sanction politique en suspendant la Guinée «de toutes ses instances de décision», a dit à des journalistes à Ouagadougou le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry, au sortir de la visioconférence, une décision confirmée dans le communiqué commun.

«La Conférence exige le respect de l’intégrité physique du président Alpha Condé et sa libération immédiate et sans condition, ainsi que celle de toutes les personnalités arrêtées», précise la Cédéao. Aucune sanction économique n’est évoquée pour l’heure. Une «mission de haut niveau» sera dépêchée jeudi en Guinée et la Cédéao réexaminera ensuite ses positions, a-t-il déclaré.

La Cédéao se retrouvait un an après dans une situation comparable à celle qu’elle a connue avec le putsch d’août 2020 au Mali voisin. Elle avait alors suspendu le Mali de l’organisation, mais aussi pris des sanctions économiques, comme l’arrêt des échanges commerciaux hors produits de première nécessité, et la fermeture des frontières. Ces sanctions avaient été levées à la suite de l’engagement des militaires maliens sur la voie d’une transition de 18 mois maximum pour rendre le pouvoir à des dirigeants civils issus d’élections.

Gouvernement dissous

Dès dimanche, la Cédéao avait brandi la menace de sanctions, sans en préciser la nature éventuelle. Comme un an plus tôt, la Cédéao était amenée à se prononcer alors que les militaires emmenés par le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, peuvent se prévaloir d’une certaine popularité, comme en attestent les manifestations de sympathie dans différents quartiers de Conakry, encore alimentée par la libération mardi soir d’un premier groupe de dizaines d’opposants au régime déchu.

Les sanctions économiques de la Cédéao étaient mal passées il y a un an auprès d’une population malienne éprouvée, dans un contexte économique et social très détérioré et encore plus dégradé par la pandémie de Covid-19.

Avec la Guinée, un des pays les plus pauvres de la planète lui aussi plongé dans une crise profonde, les dirigeants de la Cédéao devaient de surcroît se prononcer sur un important producteur de bauxite, minerai essentiel à la fabrication d’aluminium, employé dans des industries aussi diverses que l’automobile ou l’alimentation. Les incertitudes sur l’approvisionnement international à la suite des événements de Guinée ont fait monter l’aluminium à son prix le plus haut depuis 13 ans sur le marché des métaux à Londres.

Les putschistes disent avoir agi pour mettre fin à «la gabegie financière», la «corruption» et le «piétinement des droits des citoyens». Ils ont dissous le gouvernement et les institutions et aboli la Constitution qu’avait fait adopter Alpha Condé en 2020 en invoquant ce changement de loi fondamentale pour se représenter après deux mandats, malgré des mois de contestation réprimée dans le sang.

Détenus libérés

Ils ont promis une «concertation» nationale en vue d’une transition politique confiée à un futur «gouvernement d’union nationale». Mais ils n’ont pas fourni plus de précisions pour le moment, sur un calendrier par exemple. Aucune information n’a été fournie sur Alpha Condé, sinon qu’il était en bonne santé et bien traité.

Le nouvel homme fort du pays s’est employé à rassurer les investisseurs et ses concitoyens en affirmant que les nouveaux dirigeants respecteraient tous les engagements internationaux et miniers et ne se livreraient pas à une «chasse aux sorcières».

Mardi soir, très symboliquement, la junte a fait libérer près de 80 détenus, dont plusieurs des principales figures de la contestation contre Alpha Condé, sortis de la prison civile de Conakry sous les vivats de leurs partisans et de leurs proches.

Aucun décès lié au putsch n’a été rapporté officiellement. Mais des médias guinéens ont fait état d’une dizaine à une vingtaine de morts dans les rangs de la garde présidentielle, des informations invérifiables faute d’accès aux hôpitaux.

Version originale publiée sur 20min.ch

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