Ski alpinRetraite de Beat Feuz: ce qu’en pensent les anciennes gloires du ski suisse
Bernhard Russi, Roland Collombin, Didier Cuche et Didier Defago n’ont pas le même avis sur la retraite annoncée du descendeur bernois. Mais tous comprennent sa décision.
- par
- Renaud Tschoumy
Beat Feuz a surpris son monde en annonçant mercredi qu’il prendrait sa retraite le 21 janvier, sitôt après la descente de Kitzbühel et bien avant les Mondiaux de Méribel-Courchevel. À la base de sa décision, des choix familiaux. Mais cette manière de procéder a pu surprendre.
D’anciennes gloires de la descente suisse s’expriment au sujet de cette annonce faite par le triple médaillé olympique (or, argent et bronze), champion du monde et quadruple vainqueur de la Coupe du monde de descente.
Bernhard Russi: «Il n’y a jamais de moment juste pour annoncer sa retraite»
(Champion olympique de descente en 1972 à Sapporo)
«Il n’y a jamais de moment juste à 100% pour prendre la décision de se retirer. En fait, le bon moment, c’est quand on le dit. Personnellement, j’ai fait un choix radicalement différent. Je me suis décidé en une minute, et j’ai arrêté. Maintenant, il faut se poser deux questions quant à la décision de Beat. Premièrement: vu ses résultats du début de saison, il a probablement constaté qu’il lui serait probablement difficile d’aller chercher le globe de la descente. Deuxièmement: vu son âge, son expérience, le fait qu’il ait une famille, il a peut-être envie d’être heureux à la maison. Après, on peut se demander pourquoi il n’arrête pas d’un coup et qu’il annonce sa retraite pour après Kitzbühel. Mais Beat est un skieur spécial. On ne gagne pas sur la Streif sans tout oser. Par contre, on peut gagner le Lauberhorn en calculant sa prise de risques. Raison pour laquelle je le vois bien s’imposer à Wengen.»
Roland Collombin: «Si j’étais lui, je stopperais tout tout de suite»
(Vice-champion olympique de descente en 1972 à Sapporo)
«C’est tout de même un peu surprenant d’annoncer sa retraite en plein milieu de saison. C’est peut-être dû à ses résultats moyens cette année, je ne sais pas, en fait… Mais bon, il a 35 ans, deux enfants, et peut-être d’autres priorités. Moi, c’est un accident qui m’a obligé à mettre un terme à ma carrière (ndlr: sa deuxième chute à Val d’Isère sur la désormais «Bosse à Collombin»). À l’époque, je visais les Jeux olympiques d’Innsbruck, en 1976. Maintenant, si j’étais Beat Feuz et que je décidais de m’arrêter, je stopperais tout tout de suite. Annoncer qu’on tirera sa révérence après Kitzbühel, ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile à faire, au niveau de l’exigence de la piste notamment. Maintenant, Beat Feuz a tout gagné, il doit savoir ce qu’il fait. Si c’est un des plus grands descendeurs de l’histoire du ski suisse? À part moi, oui!» (Eclat de rire)
Didier Cuche: «Le moment choisi est très bizarre»
(Quadruple vainqueur de la Coupe du monde de descente, quintuple vainqueur de la descente de Kitzbühel)
«Beat a-t-il senti, par rapport à sa préparation et son début de saison, qu’il devait réduire la voilure? C’est la question que je me pose. Mais j’admets que le moment choisi pour faire cette annonce est bizarre. Moi, je me rappelle que j’avais pris ma décision à Wengen, après de super entraînements mais seulement une quinzième place en course. Je ne voulais donc pas être dépendant du résultat de Kitzbühel la semaine suivante. Et après avoir pris cette décision, je me suis senti très triste: je réalisais que je ne serais plus jamais au départ du «Laub». Donc, pour ma part, ma prise de conscience a été très spontanée. Mais une semaine plus tard, j’avais quand même réussi à m’imposer sur la Streif. C’est d’ailleurs la saison où j’ai signé le plus de victoires. Pour revenir à Beat Feuz, il a certainement dû avoir une réflexion différente. Peut-être que cette idée germait en lui depuis plusieurs mois. Cela étant, je pense qu’il est capable de s’imposer à Wengen ou Kitzbühel, avant de tirer sa révérence.»
Didier Defago: «Chaque athlète est libre de prendre sa propre décision»
(Champion olympique de descente en 2010 à Vancouver)
«Cette annonce est une surprise, mais cela ne me surprend pas, tant Beat est coutumier du fait. C’est une personne très réfléchie, qui arrive à analyser les choses et prendre les décisions qui s’imposent à ses yeux. C’est évidemment une page qui va se tourner, puisqu’il a tout gagné ce qu’un descendeur peut gagner. Mais je pense que l’idée de tout arrêter grandissait dans son esprit. Il doit donc être soulagé, maintenant qu’il a franchi le pas et qu’il a annoncé sa décision. Il ne faut pas oublier qu’après tous les ennuis physiques ou de santé qu’il a connus dans sa carrière, Beat est quelqu’un qui connaît parfaitement son corps. Même si on forme une équipe, le ski reste un sport individuel. Chaque athlète est donc libre de prendre sa propre décision. Je respecte celle de Beat. Il a des arguments, d’ordre privé ou familial. Mais il va manquer au circuit. C’est incontestablement un des meilleurs descendeurs suisses de l’histoire. Il avait son style, quelque chose d’atypique, un peu à part. Je serai à Bormio, je me réjouis de le revoir là-bas, la semaine prochaine.»