BruxellesLes violences en Inde alertent l’UE
Le Parlement européen exhorte l’Inde à mettre un terme aux heurts dans le nord-est du pays alors que le Premier ministre indien est l’invité d’honneur de l’Élysée pour les festivités du 14 juillet.
Le Parlement européen a appelé jeudi les autorités indiennes à «mettre fin rapidement aux violences ethniques et religieuses» dans l’État de Manipur, et demande que les droits de l’homme soient intégrés «à tous les domaines» couverts par le partenariat entre l’UE et l’Inde.
Le vote de cette résolution, texte sans portée juridique contraignante, intervient alors que le Premier ministre indien Narendra Modi est invité d’honneur de la fête nationale française du 14 juillet. Il est arrivé jeudi à Paris pour deux jours et sa visite se conclura par un dîner officiel vendredi soir avec Emmanuel Macron et plus de 200 convives dans le prestigieux Musée du Louvre. Dans cette résolution, les députés européens s’inquiètent des heurts récurrents entre la majorité Meitei, composée principalement d’hindous habitant dans et autour de la capitale de l’État, Imphal, et la minorité des Kukis, composée en grande partie de chrétiens habitant les campagnes environnantes.
Le parti du ministre attiserait le conflit
Les violences ont fait «au moins 120 morts, déplacé 50’000 personnes et détruit plus de 1700 logements», soulignent les eurodéputés. Ils dénoncent la «rhétorique nationaliste» des dirigeants politiques à qui ils demandent de cesser les «déclarations incendiaires», alors que le Bharatiya Janata Party (BJP), parti du Premier ministre indien Narendra Modi, est régulièrement accusé de galvaniser l’identité hindoue dans le pays. «Le gouvernement local du BJP attise le conflit», dénonce dans un communiqué l’eurodéputé Pierre Larrouturou (S&D, gauche), coauteur de la résolution. «En autorisant les forces armées à tirer sur les civils et en coupant les services internet, le BJP instrumentalise les violences pour discriminer davantage les minorités non hindoues».
Ainsi, le Parlement européen encourage le gouvernement indien à «rétablir le calme» et à mettre en place «un dialogue inclusif avec les communautés affectées». Les États isolés du nord-est de l’Inde, situé entre le Bangladesh, la Chine et la Birmanie, ont connu des décennies de troubles ethniques et séparatistes. Un regain de violences a éclaté début mai dans l’État du Manipur, après que la justice locale a rendu une décision recommandant un statut plus favorable pour les Meiteis, leur garantissant notamment des quotas d’emplois publics et d’admissions dans les universités.
Cette hypothèse a ravivé les vieilles craintes de la tribu des Kukis de voir les Meiteis autorisés à acquérir des terres dans des zones qui leur sont actuellement réservées. Le Parlement européen demande également «une nouvelle fois que les droits de l’Homme soient intégrés à tous les domaines couverts par le partenariat entre l’Union européenne et l’Inde, y compris le commerce». Il «appelle de ses vœux le renforcement du dialogue UE-Inde sur les droits de l’Homme».
Modi à Paris: «un affront»
La présence du ministre à Paris «est un affront porté aux communautés minoritaires indiennes, aux journalistes, aux défenseurs des droits humains mais aussi à l’Inde en tant que démocratie», a estimé Pierre Larrouturou.
«Depuis 4 ans, à chaque fois que l’on essaye de faire passer un texte sur la situation des droits de l’Homme en Inde, il y a toujours quelqu’un pour nous expliquer que l’on est en train de négocier en matière commerciale et que ce n’est pas le bon moment», a dénoncé le député auprès de l’AFP. «Mais aujourd’hui, le Parlement européen met les pieds dans le plat et dénonce la gravité des violations des droits humains commises par le gouvernement Modi et demande que la question des droits de l’Homme soit au cœur du partenariat entre l’Europe et l’Inde».