Thaïlande: Une figure pro-démocratie condamnée pour lèse-majesté

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ThaïlandeUne figure pro-démocratie condamnée pour lèse-majesté

Un avocat thaïlandais de 39 ans, Anon Numpa, a écopé de quatre ans de prison pour avoir prononcé un discours en 2020.

Anon Numpa pourrait faire appel de sa condamnation.

Anon Numpa pourrait faire appel de sa condamnation.

AFP

Une importante figure du mouvement pro-démocratie en Thaïlande a été condamnée mardi à quatre ans d’emprisonnement pour lèse-majesté, en vertu d’une loi clivante que les jeunes générations appellent en vain à réformer.

Anon Numpa (aussi orthographié Arnon Nampa), un avocat de 39 ans, était poursuivi pour un discours prononcé en 2020 devant le Monument de la Démocratie à Bangkok, au pic des manifestations massives réclamant une refonte de la monarchie.

Ce verdict s’inscrit dans les tensions qui divisent la Thaïlande, où l’establishment militaro-royaliste, autoproclamé gardien des valeurs traditionnelles, affronte la montée d’un camp progressiste avide de changements.

Suppression de la loi lèse-majesté

Les activistes pro-démocratie réclament notamment la suppression de la loi de lèse-majesté – qui protège la puissante famille royale – malgré le risque d’être poursuivi en vertu de ce texte qu’ils jugent trop sévère et hors de contrôle. L’article «112», comme il est connu en Thaïlande, punit jusqu’à quinze ans de prison toute insulte visant le roi ou sa famille. Son usage a été détourné pour cibler les opposants politiques, ont dénoncé des organisations de défense des droits humains.

Anon Numpa a été condamné pour la première des quatorze accusations de lèse-majesté qui le visent. Il doit également payer une amende de 20’000 bahts (502 euros) pour violation de l’état d’urgence alors en place pour lutter contre la pandémie de coronavirus.

Appel probable

Son avocat a déclaré après le verdict qu’ils allaient probablement faire appel. «C’est un sacrifice de ma liberté que je suis prêt à assumer», a expliqué le militant au moment d’arriver au tribunal, accompagné de sa partenaire et de leur enfant.

«Nous avons vu beaucoup de changements dans la politique thaïlandaise depuis le mouvement de 2020 (…) Si je suis condamné à de la prison aujourd’hui (mardi), ça serait pour beaucoup d’années mais ça vaudrait le coup», a-t-il poursuivi. Devant les journalistes, il a fait le salut à trois doigts emprunté aux films «Hunger Games», et réinterprété par les activistes comme un signe de défi à l’autorité royale.

«Journée sombre»

Des dizaines de militants ont apporté leur soutien à l’avocat devant le tribunal. C’est «une longue peine de prison pour avoir exercé ses droits», a réagi Andrea Giorgetta, de la Fédération internationale pour les droits humains (Fidh, organisation non gouvernementale). «C’est certainement une journée sombre pour la justice», a-t-il souligné.

Depuis le déclenchement des manifestations pro-démocratie, plus de 200 personnes, dont des mineurs, ont été accusées d’avoir enfreint la loi de lèse-majesté. Plus de 1800 personnes ont aussi été poursuivies pour leur participation au mouvement, a précisé Chanatip Tatiyakaroonwong, chercheur pour Amnesty International.

«Ces accusations sont l’héritage honteux du précédent gouvernement (dominé par les généraux, ndlr) qui doit être résolu par le nouveau gouvernement (…) Le verdict d’aujourd’hui (mardi) est une nouvelle preuve que l’espace pour la liberté d’expression en Thaïlande disparaît», a-t-il déclaré.

Promesses phares

Supprimer l’article 112 a été l’une des promesses phares du parti pro-démocratie Move Forward qui a remporté les élections législatives de mai dernier. Move Forward s’est également fait le porte-voix d’autres revendications des manifestations de 2020, comme l’écriture d’une nouvelle Constitution et une réforme de l’armée.

Mais la formation progressiste a été repoussée aux portes du pouvoir par le Sénat contrôlé par l’armée qui a rejeté son programme jugé trop radical, notamment sur la question du «112». Le nouveau Premier ministre Srettha Thavisin, à la tête d’une large coalition englobant des mouvements pro-armée, a assuré avant son intronisation qu’il n’allait pas toucher à la lèse-majesté.

(AFP)

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