Pakistan: Un alpiniste nettoie le K2 en hommage à son père disparu

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PakistanUn alpiniste nettoie le K2 en hommage à son père disparu

Réputé plus difficile que l’Everest, le deuxième plus haut sommet du monde attire de nombreux curieux. Il croule sous une montagne de déchets, en partie descendus par Sajid Ali Sadpara.

Au camp de base du K2, Sajid Ali Sadpara dégage de l’emprise de la glace des bouteilles d’oxygène usagées, des toiles de tentes et des cordes abandonnées au fil des décennies par les alpinistes.

Au camp de base du K2, Sajid Ali Sadpara dégage de l’emprise de la glace des bouteilles d’oxygène usagées, des toiles de tentes et des cordes abandonnées au fil des décennies par les alpinistes.

AFP

Depuis le camp de base du K2, dans l’Himalaya pakistanais, Sajid Ali Sadpara aperçoit le deuxième plus haut sommet du monde, qu’il s’évertue à nettoyer de ses déchets en hommage à son père, dont c’est l’ultime demeure.

Pour escalader «la montagne sauvage», perchée à 8611 mètres d’altitude, il revêt une combinaison chaude ornée d’un drapeau vert du Pakistan. Ainsi équipé, il dégage de l’emprise de la glace des bouteilles d’oxygène usagées, des toiles de tentes et des cordes abandonnées au fil des décennies par les alpinistes.

En une semaine, 200 kilos de détritus sont ramassés par cinq personnes, sur les flancs de cet éperon rocheux. Puis tout est descendu de manière périlleuse dans un des environnements les plus hostiles de la planète.

Gardiens de la montagne

C’est sa manière de rendre hommage à son père, la légende de l’alpinisme Ali Sadpara, mort en 2021 lors d’une expédition avec Sajid sur cette montagne, dont l’ascension très difficile, surtout en hiver, est l’aboutissement d’une vie pour certains himalayistes. Son corps y repose désormais. «Je le fais avec mon cœur», explique Sajid au camp de base du K2, situé à 5150 mètres d’altitude, où il est déjà difficile de respirer. «C’est notre montagne, nous en sommes les gardiens.»

Ce sommet doit son nom à un géomètre de l’Inde britannique, dont ce fut la deuxième montagne mesurée de la chaîne du Karakoram. Il est situé dans un cul-de-sac glacial, à la frontière chinoise, à des jours de marche de toute localité, et son ascension est réputée plus compliquée et techniquement plus exigeante que celle de l’Everest, plus haut de 238 mètres. L’hiver, les rafales de vent peuvent y atteindre les 200 km/h et les températures chutent jusqu’à -60 degrés.

«Nous voulons être sur les montagnes pour ressentir une paix mentale. Si nous voyons des déchets, le sentiment est totalement différent.»

Sajid Ali Sadpara, alpiniste pakistanais

Dans le village de Choghoghrong, Sajid raconte la manière dont son père, qui a conquis huit des quatorze sommets de plus de 8000 mètres de la planète, lui a fait apprécier la nature, alors qu’ils travaillaient la terre à l’ombre des sommets. «C’est dans ce village que je suis le plus connecté avec la nature.»

Les méfaits du tourisme de masse

Mais les alpinistes sont de plus en plus nombreux à vouloir gravir le K2. «Nous voulons être sur les montagnes uniquement pour ressentir une paix mentale. Si nous voyons des déchets, le sentiment est totalement différent», analyse l’alpiniste pakistanais.

Le tourisme de masse a également des conséquences sur les plus hauts sommets du monde, jonchés de détritus, à l’image de l’Everest. La saison dernière, 150 alpinistes ont atteint le sommet du K2, un chiffre record. «Les déchets posent problème sur deux montagnes: le K2 et l’Everest», explique l’alpiniste norvégienne Kristin Harila, 37 ans, qui, en réussissant, en juillet, l’ascension du sommet pakistanais, a établi un record, gravissant le plus rapidement les quatorze sommets de plus de 8000 mètres de la planète.

«Ce qui monte doit redescendre!»

«Les entreprises commerciales emportent plus de matériel», explique Yasir Abbas, du Parc national du Karakoram central, qui a supervisé, en 2022, une campagne de ramassage qui a permis de collecter 1,6 tonne de déchets sur le K2. «Ce qui monte doit redescendre!» Les cordes abandonnées peuvent induire en erreur des alpinistes, les tentes abandonnées obliger les autres campeurs à s’installer dans des endroits plus exposés, à la merci des éléments.

Sajid, lui, a gravi la moitié des sommets de 8000 mètres sans apport d’oxygène et n’éprouve aucun ressentiment à l’encontre de ceux qui jettent leur matériel sur les pentes. «Le nettoyage est quelque chose que l’on ressent personnellement, du fond du cœur.»

Tombe improvisée

Il y a deux ans, Sajid tentait une périlleuse ascension hivernale du K2 avec son père et deux étrangers lorsque, malade, il a été contraint de rebrousser chemin. Les trois hommes ont poursuivi l’ascension avant d’être retrouvés morts sous le «bottleneck», un couloir étroit et surplombé par des séracs menaçants sur la dernière ligne droite avant le sommet. Sajid a récupéré le corps de son père et accompli les rites islamiques sur une tombe improvisée près du camp 4, dernière étape avant l’ascension. Il a localisé cet endroit avec des coordonnées GPS.

(AFP)

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