RussieAlexeï Navalny condamné à 19 années de prison en plus
L’opposant russe était jugé pour extrémisme et sera envoyé dans un pénitencier à la sinistre réputation. Il purge déjà une peine de neuf ans pour «fraude».
Déjà incarcéré pour neuf ans dans des conditions éprouvantes, le principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, a été condamné, vendredi, à 19 années de prison pour «extrémisme» à l’issue d’un procès à huis clos.
Le militant anticorruption de 47 ans devra purger sa peine dans une colonie à «régime spécial», soit l’un des établissements pénitentiaires à la plus sinistre réputation en Russie, d’ordinaire destiné aux criminels les plus dangereux et aux condamnés à perpétuité. À la lecture du verdict, Alexeï Navalny est apparu souriant et détendu, discutant avec son coaccusé Daniel Kholodny, un ancien responsable de sa chaîne YouTube.
Il a survécu à un empoisonnement
Détracteur de longue date du président russe, Alexeï Navalny a vu la justice s’acharner sur lui avant le conflit en Ukraine mais son sort s’est aggravé depuis. Il a été emprisonné à son retour en Russie, début 2021, après avoir survécu in extremis à un empoisonnement qu’il impute aux services de sécurité russes ayant agi sur ordre du Kremlin, puis il a été condamné désormais à trois reprises.
Son dernier procès, pour «extrémisme», se déroulait à huis clos dans la colonie pénitentiaire IK-6 de Melekhovo, à 250 km à l’est de Moscou, où il purge actuellement une peine de neuf ans de privation de liberté à la suite de sa condamnation, en juin 2022, pour «fraude».
Alexeï Navalny, régulièrement placé à l’isolement et confronté à des problèmes de santé, avait dit, jeudi, s’attendre à une «peine longue, stalinienne». Celui qui s’est notamment fait connaître par ses enquêtes sur la corruption du système de Vladimir Poutine et les manifestations qu’il a organisées est accusé d’avoir créé une «organisation extrémiste».
«Inacceptable» pour l’UE
Sa condamnation «est un sinistre acte de vengeance politique, qui ne vise pas seulement Navalny personnellement, mais qui sert d’avertissement aux détracteurs de l’État dans tout le pays», a réagi l’ONG Amnesty international. L’ONU a aussitôt après appelé à sa «libération immédiate» et l’Union européenne a jugé «inacceptable» cette condamnation «arbitraire».
La peine de Daniel Kholodny n’est pas encore connue: l’audience était retransmise sur un écran pour les journalistes, réunis dans la salle de presse de la colonie IK-6, et les conditions de la retransmission étaient très mauvaises.
Rien de «politique» pour Moscou
De sa prison, Alexeï Navalny s’est aussi mué en critique féroce du conflit en Ukraine. Pendant son procès, il a ainsi dénoncé les «dizaines de milliers de morts dans la guerre la plus stupide et la plus insensée du XXIe siècle». «Tôt ou tard, la Russie se relèvera. Et il dépend de nous de savoir sur quoi elle s’appuiera à l’avenir.»
Le Kremlin présente l’opposant en simple criminel, assurant que les poursuites à son encontre n’ont rien de politique.
Toujours combatif, Alexeï Navalny raconte sur les réseaux sociaux, par le biais des messages transmis par ses avocats, sa vie carcérale et dénonce, souvent avec ironie, le harcèlement qu’il y subit. Il a ainsi été envoyé 17 fois en cellule disciplinaire, où on l’oblige à écouter des discours de Vladimir Poutine.
Pas la dernière condamnation?
C’est d’ailleurs dans une de ces cellules qu’il a attendu son verdict, puni par treize jours d’isolement pour s’être «mal présenté» à ses gardiens, a expliqué, fin juillet, son avocat Vadim Kobzev. Son marathon judiciaire risque aussi de ne pas s’arrêter là.
Alexeï Navalny se dit également visé par une affaire de «terrorisme» dans une procédure séparée, pour laquelle il risque la prison à vie, mais peu de détails sont connus à ce stade.