ValaisSauvetage miracle à Zermatt: «15 minutes plus tard, il serait mort»
Le skieur italien, tombé dimanche dans un torrent glaciaire, doit la vie à des secouristes qui ont pris de gros risques. Deux guides racontent.
- par
- Evelyne Emeri
«Les deux Italiens arrivaient de Cervinia. Ils avaient décidé de venir skier côté Suisse sur le glacier de Furgg. Un moment donné, ils ont quitté les pistes balisées et se sont retrouvés dans ce secteur hors piste. Ils ont traversé un névé fragilisé par l’eau du ruisseau qui coulait en dessous et le pont a lâché. La neige s’est littéralement effondrée sous les pieds d’un des skieurs». Yann Dupertuis est le remplaçant du chef de la colonne de secours de Zermatt (VS). Il était de piquet le 1er mai. Il fait partie des premières personnes à être arrivées sur place une fois l’alerte donnée par l’accompagnant de la victime dimanche dernier à 10h40.
Ni DVA ni Recco
Les experts de haute montagne, les sauveteurs – guides ou médecins –, les pilotes d’Air Zermatt se rendent compte immédiatement de la complexité abyssale de la situation. Il leur faudra environ 30 minutes pour localiser la victime en train de mourir d’hypothermie, happée par le vide dans un torrent glaciaire. Avec pour seul moyen de recherches, des sondes. Le skieur n’a ni DVA (détecteur de victime d’avalanche) ni réflecteur Recco intégré dans sa veste de ski, son pantalon ou autres. «S’agissant du chien d’avalanche et de son maître, ils n’ont rien pu faire vu la consistance du manteau neigeux, à savoir de la vieille neige compressée. L’air circule moins bien qu’en condition de neige fraîche et il est donc plus difficile de flairer le patient», précise Yann Dupertuis.
«L’eau coulait sur lui»
Le sexagénaire gît 10 mètres en contrebas de son point de chute, il est assis, la tête hors de l’eau, mais ne peut pas se mouvoir. «Il a été emporté dans une sorte de tunnel sous la couche de neige. L’eau coulait sur lui comme une cascade», ajoute encore M. Dupertuis. Tous savent qu’il faut faire vite et que chaque minute compte. Un trou est creusé par l’équipe sur le terrain pour tenter un sauvetage risqué et dangereux. Le plongeur engagé dans l’opération arrivera trop tard. C’est un de ses collègues et ami, Thomas Zumtaugwald, qui se propose de descendre, sans combinaison en néoprène, pour aller chercher le skieur détrempé par une eau à 3-4 degrés.
«Quand je suis arrivé, la personne était localisée. Je suis sorti de l’hélicoptère, il parlait encore. On lui a lancé une corde, on a tiré, il n’avait plus de force. On ne pouvait plus attendre le plongeur, il fallait agir, raconte modestement le guide Thomas Zumtaugwald, 40 ans. «Je me suis dit: «Si on ne fait rien maintenant, il est mort». Au départ, je n’étais pas certain de pouvoir aller jusqu’en bas et remonter avec lui. Il fallait descendre sous la cascade, 5 à 6 m à la verticale. Je ne voyais rien. J’avais de l’eau plein les yeux, j’avais de la peine à respirer. Je n’ai même pas vu s’il était mort ou inconscient. J’ai réussi à lui enfiler un harnais, j’ai attaché la corde et les copains ont tiré avec le treuil électrique.»
«Il faisait tellement froid»
Le rescapé est immédiatement pris en charge médicalement à sa sortie de l’enfer avant d’être héliportée vers l’Hôpital de l’Île à Berne. L’Italien a pu sortir des soins intensifs rapidement, une fois son hypothermie stabilisée – sa température corporelle est descendue à 26 degrés –, et sait qu’il a bien failli ne jamais revoir la lumière. Quant au héros du jour, les minutes avant qu’il ne soit à son tour extrait de ce piège glacial lui ont paru interminables: «J’ai attendu 3-4 minutes, ça m’a paru beaucoup plus long, je ne sentais plus les doigts de mes mains et mes pieds. J’ai commencé à trembler, il faisait tellement froid. J’ai 100% confiance en mes collègues. Je savais qu’ils assureraient. C’était un bon travail de team».
«Pas de fautes»
«À ma sortie, j’ai mis des vêtements secs, j’ai volé en bas et j’ai bu quelque chose de chaud», lâche toujours aussi humblement celui qui, malgré tout, a plongé dans le noir. «Bien sûr qu’il skiait en hors piste, mais c’est une descente pas du tout risquée. Il a voulu aller voir les grottes de glace. Il n’a vraiment pas eu de chance de tomber là. Il n’a pas commis de fautes. Le plus grand miracle, c’est sa localisation. C’est vrai aussi que si personne n’était descendu le secourir, 15 minutes plus tard, il serait mort», conclut le guide quadragénaire.