LondresPrès de 18 ans plus tard, la justice tente de faire la lumière sur le naufrage du «Bugaled Breizh»
En 2004, un chalutier français sombrait en quelques secondes au large de l’Angleterre, faisant cinq morts. Sous-marin? Accident de pêche? La justice britannique se penche sur le naufrage.
Pendant trois semaines d’audience, jusqu’au 22 octobre, la Haute Cour de Londres va tenter de faire la lumière sur l’accident du «Bugaled Breizh» («Enfants de Bretagne» en breton). Pour y parvenir, elle va entendre une quarantaine de témoignages – marins, secouristes, experts maritimes, militaires – afin d’expliquer les circonstances de ce drame.
Ce chalutier de Loctudy (Finistère) avait sombré en moins d’une minute, le 15 janvier 2004, dans des conditions météorologiques plutôt bonnes, au large des Cornouailles (sud-ouest de l’Angleterre). Les cinq marins français qui se trouvaient à bord avaient été emportés par le fond. Le bateau a coulé dans une zone où se déroulaient des exercices militaires internationaux, avec notamment des sous-marins.
Seuls les corps de trois marins ont été retrouvés – le premier dans l’épave lors de son renflouement, les deux autres dans les eaux territoriales britanniques – et c’est sur la mort de ces deux que se concentre l’enquête britannique. Les deux derniers marins ont été portés disparus en mer.
Éclaircir les causes des décès
Près de 18 ans après le drame, les familles des victimes sont également invitées à s’exprimer à l’ouverture. Depuis le début, elles estiment que le chalutier a été accroché par un sous-marin, une hypothèse qui n’a jamais pu être confirmée, malgré des années d’enquête non concluante par la justice française. Elles attendent beaucoup de cette enquête et espèrent voir enfin aboutir leur combat pour obtenir la vérité. L’objectif de la procédure est d’éclaircir les causes des décès, sans toutefois prononcer de condamnations.
«C’est un très grand espoir. La justice londonienne consacre trois semaines d’audience à cette affaire, elle va aller au fond des choses et jamais l’espoir des familles, qui n’ont pas baissé les bras, n’a été aussi grand», a confié l’avocat des enfants d’un des marins disparus. «Les familles pensent que le sous-marin britannique «Turbulent» est responsable du naufrage et attendent que le procès le démontre. Elles n’ont aucun esprit de vengeance, mais ne peuvent construire leur deuil sur un mensonge d’État.»
Ministère britannique de la Défense et Royal Navy ont démenti toute implication de la part d’un sous-marin britannique.
Secret défense
Dans l’enquête britannique, un témoignage très attendu sera celui, le 12 octobre, de l’ancien commandant du «HMS Turbulent» sur la position du bâtiment le jour fatal. Le même jour, un officier du sous-marin néerlandais «Dolfijn», vu à proximité le jour du naufrage, sera également entendu.
Le lendemain du drame, un exercice de l’Otan, impliquant les marines de plusieurs pays, devait se tenir non loin de la zone du naufrage. Cependant, sans une levée du «secret défense» entourant ces manœuvres, impossible de valider ou d’infirmer cette piste.
Enquête «complète et rigoureuse»
En Angleterre, une procédure avait été lancée devant la justice britannique, à Truro, en Cornouailles, en raison des deux corps ayant été repêchés par les Anglais. Elle avait été ajournée en 2020, en raison notamment de la pandémie, avant d’être transférée à Londres. Lors d’une audience en mars, le juge chargé de l’affaire, Nigel Lickley, avait assuré qu’il mènerait une «enquête complète, rigoureuse et juste». Il avait aussi indiqué que selon le ministère britannique de la Défense, «aucun sous-marin non allié» ne se trouvait dans la zone lors du naufrage.
Plusieurs hypothèses
La justice française avait, elle, définitivement mis fin à son enquête dans cette affaire en juin 2016, incapable de trancher entre l’hypothèse d’un accident de pêche et celle d’un naufrage provoqué par un sous-marin qui aurait accroché un des câbles du chalutier breton. Le Bureau français d’enquêtes sur les événements de mer avait conclu à un accident de mer. D’autres hypothèses avaient été évoquées puis abandonnées, comme la collision avec un cargo.