BrésilBolsonaro et Lula en «guerre de religion» pour séduire l’électorat
Visites d’églises, photos avec prêtres ou pasteurs, lettres aux fidèles: au Brésil, Jair Bolsonaro et Lula veulent séduire l’électorat chrétien, vital pour le second tour de la présidentielle, dimanche.
À l’appel du second tour de la présidentielle brésilienne, dimanche, la presse n’hésite pas à évoquer une «guerre de religion» entre les deux finalistes, catholiques, qui se honnissent. Dans ce pays où les 215 millions d’habitants sont majoritairement catholiques et un tiers appartiennent aux Églises protestantes évangéliques, 59% des personnes interrogées par l’institut Datafolha estiment que la question religieuse est déterminante dans leur choix.
Leandro Consentino, politologue à l’université privée, estime que «porter le débat sur le champ religieux et les traditions permet plus facilement d’augmenter le rejet dont souffre l’adversaire de la part des électeurs, avec des questions qui font appel à l’émotionnel».
Michelle Bolsonaro accuse Lula d’être «le diable»
Jair Bolsonaro, 67 ans, devancé dans les intentions de vote (52% contre 48%), bénéficie d’un large soutien parmi les évangéliques, un atout qu’il a exploité pendant sa campagne. «La gauche, le communisme n’ont aucun engagement envers la vie, ils ne nous respectent pas», a récemment lancé le président d’extrême droite, dans un temple évangélique bondé, à São Paulo.
Le président brésilien, à l’origine catholique, mais qui s’est fait baptiser en 2016, en Israël, dans les eaux du Jourdain, par un célèbre pasteur évangélique, rassemble 65% de l’électorat évangélique, contre 31% pour Lula. Ce soutien, il le doit à son inlassable défense de la famille traditionnelle et de la Bible, ou à la nomination d’un juge «terriblement évangélique» à la Cour suprême du Brésil.
Dans sa croisade électorale, il a également pu compter sur sa femme, Michelle. Cette évangélique dévote a parcouru le pays pour renforcer le soutien des Églises, arguant que cette campagne électorale était une bataille entre «le bien et le mal» et accusant Lula d’être «le diable». Sans parler du soutien de pasteurs conservateurs influents, comme Silas Malafaia et ses dix millions de suiveurs sur les réseaux sociaux, répétant que Lula est un «menteur» et un «alcoolique».
Évêques exaspérés
Lula, ex-ouvrier métallurgiste syndicaliste, 77 ans ce jeudi, s’est efforcé en fin de campagne de tendre la main aux évangéliques et de démentir la rumeur tenace lancée par des bolsonaristes, selon laquelle il allait fermer les églises s’il était élu. «Pour moi, la famille est sacrée», a déclaré l’ex-président (2003-2010), la semaine dernière, lors d’une rencontre avec des responsables évangéliques, auxquels il a remis une lettre dans laquelle il s’engage à «défendre la liberté de culte» et répète qu’il est «personnellement contre l’avortement», seulement autorisé sous certaines conditions exceptionnelles au Brésil.
Il a également rencontré des pasteurs plus progressistes et a assisté à une cérémonie avec l’un d’entre eux à São Paulo. Les yeux clos, les mains jointes et la tête inclinée vers le sol, il a écouté un pasteur noir le féliciter de ne pas utiliser «d’artifice religieux pour tromper les gens».
L’utilisation politique de la religion a cependant fini par exaspérer la Conférence nationale des évêques du Brésil, qui a condamné, sans citer personne, «l’exploitation de la foi comme moyen de recueillir des votes».