Jura bernoisDrame du port de La Neuveville: «On aurait pu avoir cinq, six morts»
Le procureur conclut à une responsabilité morale pour les employés accusés d’homicide par négligence, après une électrocution triplement mortelle.
- par
- Vincent Donzé
Six ans après la mort de deux femmes électrocutées dans l’eau du port de La Neuveville (BE), le procès des techniciens s’est poursuivi ce matin avec le réquisitoire du procureur Raphaël Arn. «On aurait pu avoir cinq, six morts, si quelqu’un n’avait pas remarqué un problème qu’on ne voit pas: de l’électricité», a dit en substance le représentant du Ministère public du Jura bernois.
En raison d’une défectuosité dans l’alimentation électrique, Claire Schläfli (24 ans) est morte dans le lac de Bienne le 15 mai 2017, en voulant porter secours à sa chienne Makani tombée à l’eau, suivie de Miranda Birdsall (53 ans), descendue de vélo pour les aider.
Accusés d’homicides par négligence, huit employés risquent théoriquement jusqu’à deux ans de prison: quatre monteurs-électriciens, trois électriciens et un technicien. Mais le procureur a requis des peines pécuniaires de 120 à 300 jours-amende avec sursis pendant deux ans contre sept prévenu. Il demande l’abandon des charges contre un accusé.
Présidente du Tribunal régional Jura bernois – Seeland, Maryvonne Pic Jeandupeux rendra son jugement le 6 décembre, mais le procureur Raphaël Arn a résumé ainsi l’enjeu du procès: «Ils ont une responsabilité morale», a-t-il asséné en évoquant un procès «incroyablement humain», pour les plaignants comme pour les prévenus.
«Toute installation électrique proche de l’eau est dangereuse», a insisté le procureur. Là, au port Jean-Jacques Rousseau, 140 mètres de lignes électriques n’étaient ni protégés ni sécurisés par un disjoncteur.
En l’absence d’un contrôle digne de ce nom, l’installation présentait un défaut d’isolement, ce qui a provoqué une fuite de courant. Mais les prévenus ont obéi à leurs employeurs, qui voulaient une extension de l’alimentation électrique, rapidement et bon marché, pour satisfaire un plaisancier.
En attribuant une «absence de réflexion» à une «pression sur les employés pour résoudre le problème», le procureur n’a pas voulu les accabler: «Quand on veut aller trop vite, on passe à côté des procédures, mais aucun d’eux n’a voulu ce qui s’est passé», a-t-il déclaré.
Les contrôleurs n’ont rien détecté d’anormal dans l’installation électrique du port, ni dans la barrière ni dans la passerelle, et pendant l’audition des prévenus, la présidente du tribunal s’en est étonnée: «Pour moi, si on fait un contrôle et qu’on ne voie pas ce genre d’anomalie, c’est qu’on l’a raté», a-t-elle fait remarquer, citée par «Le Journal du Jura».
«En pointant des éléments problématiques, cela paraît flagrant, mais lors du contrôle visuel, ça ne l’était pas», a répliqué un contrôleur indépendant qui estime avoir bien fait son travail. Le responsable technique de l’entreprise ne s’était pas déplacé, «vu le peu de complexité du chantier» relatif à l’extension de l’alimentation électrique du port de La Neuveville.