CyclismeÀ Crans-Montana, un joyeux mélange des genres grâce au Giro
La 13e étape du Tour d’Italie, disputée finalement 100% en Valais, n’a pas tenu ses promesses sur la route. Bien davantage le long des cols et à l’arrivée.
- par
- Robin Carrel Crans-Montana
Il y a toujours quelque chose de savoureux à constater, quand une grande course de bicyclette pose son arrivée dans une station d’altitude huppée et plutôt habituée à avoir sa douce quiétude. Vendredi, à Crans-Montana, ça n’a pas manqué. Ceux qui ont un pied-à-terre sur le Haut-Plateau – c’est dingue le nombre de gens qu’on connaît et qui y ont «un tout petit appartement»… – vaquaient à leurs occupations et devisaient en terrasse. Mais ils étaient envahis dans leur monde un peu parallèle par des fans de vélo venus d’un peu partout en Europe et ça donnait une seule grande salle pour plusieurs ambiances.
Ici, un drapeau à la gloire des frangins Français Aurélien et Valentin Paret-Peintre; là, le fan-club de Remco Evenepoel qui a fait le déplacement malgré l’abandon du prodige belge quelques jours plus tôt. Ils ont tous la bière facile et se les enfilent devant les boutiques de luxe. Certains locaux regardent ça d’un œil torve, pendant que d’autres s’amusent d’une situation que Crans-Montana connaît déjà quand le cirque blanc y pose ses Moon Boots l’hiver venu. Les commerçants, eux, jubilent certainement. Le métro et les navettes n’ont eu de cesse de dégueuler des fans de la petite reine et l’ambiance était belle.
Forcément, tout le monde n’avait pas le sourire, ce vendredi. Les fans qui avaient posé leur camping-car dans la montée en direction du Tunnel du Saint-Bernard n’ont vu qu’un long défilé de bus. Les conditions difficiles de l’autre côté de la frontière, ainsi qu’un peloton totalement rincé par la pluie – à tel point que la RAI invitait régulièrement un expert météo à intervenir en direct –, les chutes et le Covid qui ont poursuivi les athlètes depuis le départ de l’épreuve il y a bientôt deux semaines, ont motivé le syndicat des cyclistes (CPA) à demander une adaptation du tracé aux organisateurs. D’ailleurs, le masque était obligatoire dans les zones dites techniques et ça a échaudé quelques complotistes de passage.
Sur les 199 bornes imaginées par le Giro pour ce vendredi, avec 5100 mètres de dénivelé, seules les 74 dernières ont finalement été courues. C’est d’abord le Col du Grand Saint-Bernard qui avait été biffé. La montée vers le Tunnel tout court a finalement été évitée. De quoi égayer les débats sur les réseaux sociaux et le long briefing sur le plateau de la RAI. Mais à l’instar du ski, le vélo est un sport d’extérieur et, de toute façon, à Crans-Montana, le public avait plus envie d’envahir le village des sponsors ou de se placer correctement en fin de montée, afin de s’assurer des selfies ou des photos réglementaires au passage des cadors, que de polémiquer.
Quelques jours avant cette étape, Steve Morabito, président du comité d'organisation, ne savait pas vraiment à quoi s’attendre en termes d’affluence. Entre une étape du Tour de Romandie et la folie des passages du Tour de France? «De 5000 à 100’000 personnes, on sera prêt», disait celui qui a couru sept Giro en carrière. Il a dû avoir une petite larme, en voyant le bord des routes restées au programme de la journée. La fin de la première montée? Noire de monde malgré la pluie qui a fait son apparition dès Verbier. La traversée d’Aproz? En fête. Pareil à Granges ou Lens. Les ultimes rampes vers Crans-Montana? En fusion.
Pour ce qui est de la course, dès que les fauves ont été lâchés, le Tchèque Karel Vacek, le premier coureur à attaquer, a explosé sa chaîne à la sortie du Châble. D’autres ont «fait gruppetto» après moins d’un kilomètre de course. Les courses de 74 bornes sont tellement rares que, forcément, ça a été un brin n’importe quoi. Thibaut Pinot a attaqué à deux reprises et le public, bien plus discipliné que les tifosi que le Giro connaît habituellement sur ses montées décisives, a essayé de le porter vers la victoire.
La descente a, comme prévu, été un grand moment d’équilibrisme – «Un désastre», selon le commentateur de la RAI, sur une moto suiveuse – et on n’avait pas vu souvent, sur un grand Tour, un… skieur se tirer la bourre avec les cyclistes, comme on a pu l’apercevoir avant l’arrivée dans les rues de La Tzoumaz! Finalement, la montagne tronquée a accouché d’une souris, Thibaut Pinot a fait le show et n’a pas gagné et les favoris sont restés encore une fois bien timides.
Le funiculaire a recraché tout le monde et ce sera au tour de Sierre, samedi, d’avoir droit à son moment de gloire. Et là, le ciel ne devrait pas trop faire des siennes. Il fait toujours beau en Valais paraît-il. Pas sûr que les cyclistes soient d’accord avec cet adage. Car les derniers passages du Tour de Romandie, par exemple, en ont frigorifié plus d’un.