Génocide au RwandaUn ancien préfet rwandais condamné à 20 ans de réclusion
Près de 30 ans après le génocide au Rwanda, Laurent Bucyibaruta a été condamné mardi soir à Paris à 20 ans de réclusion criminelle, pour complicité de génocide.
Un ancien préfet rwandais, Laurent Bucyibaruta, a été condamné mardi soir par la cour d’assises de Paris à vingt ans de réclusion criminelle pour complicité de génocide, plus de vingt-huit ans après l’extermination des Tutsi au Rwanda.
L’ancien haut fonctionnaire, 78 ans, a été acquitté en tant qu’auteur de génocide mais reconnu coupable en tant que complice de génocide et de crimes contre l’humanité pour quatre massacres, à l’issue de près de onze heures de délibéré.
Laurent Bucyibaruta, qui comparaissait libre sous contrôle judiciaire depuis le 9 mai et qui souffre de pathologies multiples, passera la nuit en prison. Se déplaçant avec une canne, il a été escorté par des gendarmes peu après l’énoncé du verdict.
Au moins 800’000 morts
L’accusation avait réclamé à son encontre la réclusion criminelle à perpétuité, le considérant complice d’un massacre de Tutsi et auteur de quatre autres dans sa préfecture de Gikongoro. Cette région du sud du Rwanda a été l’une des plus touchées par le génocide qui a fait au moins 800’000 morts dans le pays entre avril et juillet 1994, selon l’ONU.
La cour a totalement acquitté Laurent Bucyibaruta des accusations de génocide et de crimes contre l’humanité commis à la paroisse de Kibeho le 14 avril 1994, ainsi que celles concernant les exécutions de prisonniers tutsi, dont trois prêtres, à la prison de Gikongoro. Le ministère public avait requis l’acquittement pour ces derniers faits.
Les magistrats et les jurés l’ont reconnu complice de génocide et de crimes contre l’humanité pour les massacres de l’école en construction de Murambi et des paroisses de Cyanika et Kaduha, qui ont fait quelque 75’000 morts le 21 avril 1994. Laurent Bucyibaruta est également condamné pour complicité de ces crimes pour des exécutions d’élèves à l’école Marie Merci de Kibeho, et celles commises lors de rondes et à des barrières.
«Mi-figue mi-raisin»
Concernant les faits commis à la paroisse de Kibeho, «les premiers de toute la série», la cour a considéré qu’il n’y avait «pas les éléments suffisants permettant de dire qu’il avait donné des instructions», ni qu’il savait alors «toute l’ampleur du plan génocidaire» en œuvre. Laurent Bucyibaruta a dix jours pour faire appel. Ses avocats n’ont pas souhaité réagir.
«Vingt ans… J’ai l’impression que c’est une peine mi-figue mi-raisin», a réagi Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). «C’est un choc, en même temps il est condamné pour complicité de génocide donc je ne vais pas non plus tergiverser», a commenté Dafroza Gauthier, qui traque avec son époux les génocidaires présumés au Rwanda.
La défense avait demandé à la cour de faire «le choix du courage» en acquittant un fonctionnaire «isolé et sans force» pour empêcher les massacres dans sa préfecture de Gikongoro. Pendant les neuf semaines de débats, Laurent Bucyibaruta n’a cessé de minimiser son importance dans la chaîne hiérarchique et celle des moyens à sa disposition pour empêcher les tueries, répétant qu’il avait été «dépassé par les événements».
«Rouage incontournable»
Il a été «un rouage incontournable sans lequel la machine meurtrière n’aurait pas pu être mise en œuvre», avaient estimé les avocates générales dans leur réquisitoire. S’il «n’a tué aucune personne», l’ex-fonctionnaire «a sur lui le sang de toutes les victimes tuées à Gikongoro».
Dans ses derniers mots à la cour, l’accusé a martelé n’avoir «jamais été dans le camp des tueurs» et a exprimé ses «remords» de ne pas avoir «pu sauver» les Tutsi de sa préfecture. Laurent Bucyibaruta avait fui le Rwanda après la fin du génocide, le 23 juillet 1994. Il vit en France depuis 1997, dans la banlieue de Troyes.
Il était visé par une enquête depuis 2000. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) avait un temps réclamé Laurent Bucyibaruta, mais il s’était finalement dessaisi au profit des juridictions françaises. Il était le plus haut responsable rwandais jamais jugé en France pour des crimes liés au génocide des Tutsi.