FootballCommentaire: Camara a laissé parler le gamin qui est en lui, bien joué!
À Manchester, le capitaine d’YB a couru pour demander à Haaland son maillot, qu’il a récupéré à la mi-temps déjà. Dans un monde formaté, peuplé d’interdits mais avare d’émotions, son geste fait du bien.


Haaland et Camara quelques minutes avant le supposé «scandale» de Manchester.
IMAGO/Ulmer/TeamfotoLa planète foot n’aime rien moins que se nourrir de polémiques bien futiles. Ainsi faudrait-il aujourd’hui dézinguer Mohamed Ali Camara au seul prétexte qu’il a demandé - et obtenu - le maillot d’Erling Haaland, la star de Manchester City, mardi soir. Une précieuse relique que le capitaine d’YB est allé quémander dès la fin de la première période à l’Etihad Stadium, sur le chemin des vestiaires, alors que les visiteurs venaient d’encaisser le 2-0 dans les arrêts de jeu.
Alors même que la pratique est en passe de devenir courante, faut-il pour autant tomber sur Camara comme certains s’ingénient à le faire? Les toujours bien-pensants, si prompts à dénoncer une éthique prétendument bafouée, n’ont pas de mots assez forts pour qualifier l’obscure - mais indécente selon eux - scène du délit, mise en lumière par les caméras impitoyables de la Ligue des champions.
Sérieusement, vous voulez rire ou quoi? Allez, ravalez votre frustration! Camara aurait-il signé une meilleure performance s’il s’était abstenu et avait refoulé son désir? Certainement pas… Aurait-il mieux écouter son coach s’il était resté concentré dans son match? Pas davantage… Sans doute aurait-on tous préféré bien sûr qu’il réalise sa meilleure action de la soirée, celle dont l’on se souviendra le plus, autrement qu’en allant mendier la tunique du Cyborg norvégien, l’un n’allant, en théorie du moins, pas sans l’autre.
En fin de compte, Camara n’a fait qu’échapper quelques secondes au rôle qui lui avait été défini pour laisser parler son instinct. Dans un monde formaté, où rien, aucune aspérité, ne doit dépasser, on ne peut que l’en féliciter. Haaland s’est déjà imposé comme une méga star mondiale, ce que Camara, à ses pieds, ne sera jamais. Pour un sportif admiratif, quel mal y a-t-il à obtenir un souvenir de ceux ou celles qui le font rêver? Ou à faire des photos des lieux visités quand ceux-ci sont aussi prestigieux que l’arène de Manchester?
Plus besoin d’émotions que de censure
En souhaitant compléter sa collection, le défenseur du Wankdorf n’a pas agi en joueur professionnel responsable. Sans faire de la psychologie à cent sous, il a probablement laissé resurgir le gamin qu’il a été et qui sommeillait en lui. Et c’est ce gamin-là, sans le poids des conventions imposées plus tard mais avec des yeux de petit junior, que l’on a vu courir sur la pelouse pour un moment d’émotions confisquées. Et sans doute ne voulait-il pas non plus se faire piquer le maillot qu’il convoitait par l’un de ses coéquipiers, ce qui peut expliquer son empressement.
En ces temps de troubles épouvantables, le football aurait bien davantage besoin d’émotions partagées que de censure morale sur fond d’hypocrisie. Surtout venant parfois de la part de personnes proches du milieu raffolant se pavaner à côté de leurs idoles jusqu’à s’afficher sur les réseaux sociaux à grand renfort de selfies.
Avec son maillot arraché à Haaland, le No 13 bernois a au moins pu «fêter» une petite victoire personnelle, n’en déplaise à ceux qui voudraient la lui confisquer. YB, lui, attend toujours la sienne. Au soir de la réception de l’Étoile Rouge le 28 novembre, nous, on se prend déjà à rêver d’un joueur de Belgrade demandant la tunique de Camara dès la mi-temps.