EnvironnementUne conseillère aux États veut réglementer la pollution lumineuse
Céline Vara demande au Conseil fédéral de préciser dans la loi les limites à partir desquelles surabondance de lumière artificielle devient nuisible à l’homme et à l’environnement.
- par
- Christine Talos
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’y a rien ou presque dans la législation fédérale actuelle qui réglemente les émissions de lumière artificielle en Suisse. Pour faire simple: chacun peut éclairer un immeuble avec des lampes extérieures allumées vingt-quatre heures sur vingt-quatre, placer des guirlandes de Noël éblouissantes dans son jardin ou laisser des enseignes publicitaires briller toute la nuit comme bon lui semble. Devant ce constat, la conseillère aux États Céline Vara (Verts/NE) vient de déposer une motion auprès du Conseil fédéral pour qu’il pose un cadre général aux pratiques en vigueur.
En effet, cette absence de règles claires peut être gênante. «Il existe quelques jurisprudences fédérales hétéroclites, mais qui ne traitent que de cas spécifiques», explique la Neuchâteloise. Ce qui place parfois le Tribunal fédéral dans une situation délicate quand des actions en justice sont menées. «Le TF doit alors s’appuyer sur des dispositions très générales pour rendre des décisions», explique la Neuchâteloise. Et de citer l’exemple de la commune de Val-de-Ruz, qui a décidé d’éteindre les lumières la nuit, y compris sur les passages pour piétons. Au grand dam du Canton de Neuchâtel, qui s’y est opposé pour des raisons de sécurité.
Conséquences désastreuses
Or la pollution lumineuse est un vrai problème. D’autant qu’elle est en hausse constante avec une augmentation globale de 6% par an, rappelle Céline Vara. Selon un rapport de l’Office fédéral de l’environnement paru fin octobre, les émissions lumineuses ont même doublé ces vingt-cinq dernières années. La faute aux nouvelles technologies d’éclairage (ndlr: comme les LED) qui permettent d’atteindre de plus fortes intensités lumineuses à moindres coûts, explique l’OFEV.
Mais cet excès de lumière peut avoir des conséquences désastreuses sur l’environnement et la biodiversité. Des études ont montré que la pollution lumineuse perturbait le sens de l’orientation des oiseaux migrateurs volant de nuit et pouvait les dévier de leur itinéraire. Elle peut aussi nuire aux animaux nocturnes, en morcelant leurs habitats, en diminuant leur rayon d’action et en réduisant la nourriture à leur disposition, selon l’OFEV. En outre, le bien-être de l’être humain en souffre également dans une mesure croissante, souligne-t-il. D’où des actions en justice qui sont menées de plus en plus souvent.
Comme pour les rayons non ionisants
Pour Céline Vara, il est donc indispensable de légiférer. Au niveau fédéral, «différents textes légaux exigent que l’être humain, les animaux, la nature et l’environnement soient protégés des immiscions lumineuses», relève la sénatrice. «Pourtant, contrairement à d’autres domaines environnementaux, cette protection n’a jusqu’ici pas été concrétisée dans une ordonnance», regrette-t-elle. Pour le coup, elle propose que Berne s’appuie sur le spectre de longueur d’onde de la lumière visible, comme elle le fait déjà pour les rayons non ionisants invisibles (champs électromagnétiques des lignes électriques, hautes fréquences de la téléphonie mobile, etc. ).
«Je ne demande pas que la lumière soit éteinte à minuit», précise Céline Vara. Pour elle, tout est possible, mais il faut impérativement fixer un cadre légal pour que Cantons, Communes et collectivités sachent sur quelles règles s’appuyer afin de diminuer du mieux possible la pollution lumineuse. «D’autant qu’à l’heure où l’on doit régler le problème de notre approvisionnement en énergie, cela permettrait d’une façon simple et non coûteuse de réaliser des économies en électricité», conclut-elle.