Événement«Avatar 2»: Pandora, miroir d’une humanité déboussolée
«Avatar 2: la voie de l’eau» débarque dans les cinémas romands le 14 décembre. Avant-goût et interview du producteur oscarisé de la saga, Jon Landau.
- par
- Miguel Cid, Londres
Recordman du box-office, James Cameron sauvera-t-il une année morose pour les salles obscures avec la suite du film le plus rentable de l’histoire du cinéma? «Avatar 2: la voie de l’eau», dès le 14 décembre en Suisse romande, rapportera probablement moins que le chef-d’œuvre sorti en 2009 (2,7 milliards de francs à ce jour). Cela dit, on attend beaucoup de ce retour sur Pandora, maintes fois reporté et longtemps attendu.
Pour nous mettre l’eau à la bouche, Disney nous conviait mi-septembre à une projection d’extraits du film dans un cinéma londonien. Tout en se gardant bien de révéler trop de détails sur le contexte de ces scènes dans l’histoire et sur l’intrigue, qui se déroule une dizaine d’années après le premier volet. Voici ce que nous avons retenu et appris.
«Avatar 2» ressuscite l’effrayant colonel Quaritch (Stephen Lang), laissé pour mort il y a treize ans sous les flèches de Neytiri. Le méchant apparaît ici sous la forme d’un avatar Na’vi et continue de s’acharner sur les humanoïdes bleus. L’importance de la famille est un thème central du récit. Jake Sully (Sam Worthington) et Neytiri (Zoe Saldana) ont trois enfants biologiques (l’aîné Neteyam, Lo’ak, Tuktirey) et deux gamins adoptés (Kiri et Spider). On précisera que Spider est un humain et Kiri une ado Na’vi, incarnée par Sigourney Weaver. L’actrice septuagénaire était évidemment le Dr Grace Augustine dans l’original et décédait à la fin. Comme l’a dit James Cameron: «Dans la science-fiction, personne n’est jamais réellement mort.»
Chassés de leur paradis forestier, les Sully se réfugient chez les Metkayina, peuple de l’océan (dont le leader spirituel est Ronal, jouée par Kate Winslet). Les scènes aquatiques sont époustouflantes de beauté et de réalisme, même si la faune marine est bien différente de celle qu’on peut admirer dans un documentaire animalier de Richard Attenborough.
Producteur de la saga, oscarisé pour «Titanic» et complice de longue date de James Cameron, Jon Landau nous a accordé une interview à Londres.
À l’ère de la suprématie des superhéros au cinéma et de la montée en puissance des plateformes de streaming, où se positionne «Avatar 2» ?
À la même place qu’en 2009, c’est-à-dire en offrant quelque chose de différent et d’unique. Je n’ai rien contre les films de superhéros parce que je vais les voir au cinéma, mais «Avatar» parle de quelque chose, possède un thème. On ne ressort pas de la salle en se disant juste «ouah, c’était excitant», on a aussi ressenti quelque chose. Et puis, il y a du contenu génial en streaming mais qui en majorité ne tiendrait pas la route sur grand écran.
«Avatar» a été une révolution technologique. Quelles innovations dans cette suite?
Par exemple, on a tourné des scènes sous l’eau qui n’ont jamais été réalisées de cette façon. Vous savez probablement que les acteurs ont dû tourner en apnée. Mais on pense moins au fait que les caméramans et les sauveteurs devaient aussi retenir leur souffle parce que les bulles d’air perturbaient le système de motion capture.
Et comment communiquez-vous ça aux spectateurs?
On ne souhaite pas le leur communiquer. On veut qu’ils sachent qu’«Avatar» utilise la technologie pour qu’ils oublient la technologie en regardant le film. Ainsi, quand on regarde une scène, on ne se demande pas s’il s’agit de fonds verts ou de capture de mouvement. On est juste plongé dans l’histoire. Vous savez probablement que toutes les scènes aquatiques que vous avez vues n’ont pas été photographiées. Tout ce qui se trouve à la surface ou sous l’eau a été créé dans l’ordinateur. Mais si vous ne pensez pas à ça en regardant ces scènes, on a réussi notre coup.
Dans ce cas, «Avatar 2» devrait-il être nommé aux Oscars dans la catégorie du meilleur film d’animation?
Non, et je vais vous dire pourquoi. Par définition, un film d’animation emploie des animateurs pour piloter la performance des personnages. Pas nous. Les effets visuels, c’est différent. Il s’agit de l’intégration d’éléments visuels dans un monde photoréaliste qui incorpore des éléments d’action live. On a seize caméras qui filment les acteurs et, quand on passe aux effets visuels, on s’assure que ce sont eux qu’on voit à l’écran.
Kate Winslet a-t-elle remarqué une différence entre le James Cameron qui l’a dirigée dans «Titanic» et celui d’ «Avatar 2»?
Je pense qu’une des choses que Kate a remarquées, c’est que lorsqu’on dirige un film à gros budget avec de l’action live, comme «Titanic», on doit se comporter comme un général. Il faut déplacer les grues, les lumières, les milliers de figurants. Et toujours diriger les acteurs et obtenir les performances qu’on souhaite. Quand on réalise un film avec de la capture de mouvement, on ne se soucie pas des grues, de la lumière, du fait que le soleil va se lever dans une demi-heure ou qu’il va pleuvoir ce soir. Ce qui compte, c’est la performance de l’acteur. Ce que James préfère dans la mise en scène, c’est de travailler avec les comédiens.
«Avatar» était une fable écolo. «Avatar 2» sort dans un climat d’écoanxiété mondial. Quel impact sur ce film?
On savait qu’on souhaitait continuer à transmettre ce message écolo parce que c’est important. Les cinéastes ont la responsabilité d’essayer d’influencer et de faire changer les choses. Mais il y a d’autres problèmes dans notre monde. Les ados se cherchent, par exemple. Dans le film, Kiri et Lo’ak tentent, chacun à sa façon, de découvrir leur identité. Kiri n’a jamais rencontré sa mère ni son père et s’interroge sur le but de son existence. Lo’ak se considère comme un paria parce qu’il est différent. Il est métis, membre de la seule famille métisse de la communauté, et vit dans l’ombre de son père qui était un héros. Et puis regardez ce qui arrive à la famille Sully. Ils sont obligés de fuir de chez eux et devenir des réfugiés. Là aussi, c’est un thème très à-propos aujourd’hui. Enfin, il y a les envahisseurs. Que recherchent-ils? Pourquoi reviennent-ils? Il n’est donc pas juste question ici de protéger les forêts ou les océans. Il est question de la nécessité pour les individus et la société d’avoir une boussole morale.
On ne connaît pas encore la réponse à plusieurs questions que pose cette suite. Par exemple, comment Sigourney Weaver et Stephen Lang sont de retour. Vous réjouissez-vous de révéler tout ça aux spectateurs dans ce volet et les suivants?
Je crois que souvent le public souhaite que tout soit joliment résolu dans un film. Pas nous. Nous sommes des gens curieux et aimons garder un peu de mystère. On souhaite que l’histoire arrive à sa conclusion, mais chaque question ne nécessite pas une réponse. Nous laissons certaines questions en suspens dans ce film et il en sera de même dans les prochains volets.