Énergie ou paysageLes Valaisans se mobilisent contre les mégaparcs solaires
Le Valais est le premier canton à s’être doté d’une base légale pour faciliter l’implantation de panneaux. Pro Natura a lancé un référendum pour sauvegarder les paysages.
- par
- Eric Felley
En ce début de printemps, certaines feuilles repoussent sur les arbres, d’autres remplies de signatures prennent le chemin des bureaux de Pro Natura Valais à Sion. L’association de protection de la nature est la cheville ouvrière du référendum lancé le 17 février dernier contre un décret du Grand Conseil valaisan de faciliter l’implantation de gigantesques parcs solaires sur les hauteurs du canton.
Lancée il y a un mois, la récolte de signatures (il en faut 3000) avance: «Nous mobilisons avant tout les membres des différentes organisations et partis qui s’engagent dans ce référendum, précise Jérémy Savioz de Pro Natura. Plusieurs milliers de courriers viennent d’être envoyés aux membres de Pro Natura Valais, par exemple. Nous sommes également présents dans la rue, avant tout sur les marchés».
Grengiols
Parmi ces parcs solaires figure le projet pionnier de Grengiols (VS) prévu dans le parc naturel de Binn. La semaine dernière, les autorités locales et les Forces motrices valaisannes (FMV) ont présenté ce champ de panneaux de 3,4 km² prévu pour 910 000 modules solaires et une production de 600 gigawattheures par an, soit de l’électricité pour environ 200 000 ménages.
Comment la population valaisanne réagit au référendum? «Comparés à d’autres thèmes, les retours sont bons, note Jérémy Savioz. Il y a rarement besoin d’expliquer le contexte en détail. Les gens sont déjà bien informés via les médias, mais beaucoup n’ont pas encore un avis forgé sur la question. En tous les cas, nous avons très peu de réactions farouchement opposées à ce référendum».
Premier arrivé, premier servi
Depuis l’année dernière, le Valais a vu les projets de parc photovoltaïque se multiplier: à Gondo, Grengiols, Vispertal, sur l’ancienne carrière du barrage de la Grande-Dixence, à Ovronnaz Solar ou en dessus de Grimentz. On peut parler d’une ruée vers le soleil, motivée principalement par la promesse de la Confédération d’une rétribution unique. Elle s’élèvera à 60% au maximum des coûts d’investissements, à condition que l’installation puisse fonctionner, à 10% au moins, avant le 31 décembre 2025. L’argent sera attribué selon le principe du premier arrivé, premier servi et jusqu’à ce que les parcs construits produisent 2TWh à l’année en Suisse.
«Le sujet préoccupe bien au-delà des milieux de la protection de l’environnement, observe Jérémy Savioz. La preuve en est que l’UDC du Valais romand s’est opposée au décret au Grand Conseil. Nous sentons d’ailleurs un soutien des milieux agricoles. En fait, tout le monde se sent concerné de près ou de loin par l’avenir de nos paysages de montagne».
«Le Valais s’aplatit devant l’argent»
Le 10 février dernier, le Grand Conseil valaisan a approuvé par 87 voix contre 41 un décret urgent qui doit servir de base légale cantonale. Pour accélérer le processus d’autorisation de ces installations, le décret donne le pouvoir au Conseil d’État de statuer sur ce type de dossiers, et non plus à la Commission cantonale des Constructions. L’effet suspensif a été levé, à savoir qu’en cas de recours, le projet ne serait pas stoppé.
Le Centre, le PLR et l’UDC haut-valaisanne l’ont soutenu. Les Vert.e.s, une partie des socialistes et l’UDC du Bas ont dit non. «Le Valais s’aplatit devant l’argent», a argumenté la gauche. L’UDC du Bas regrette que le Parlement accepte de «vendre le paysage alpin».
Coalition contre
Pro Natura, les Vert.e.s, Patrimoine suisse Valais et des représentants de Mountain Wilderness ou de la Fondation Franz Weber ont formé un comité référendaire: «Cette mesure, écrivent les opposants, guidée par la perspective d’importantes subventions fédérales et par le climat de panique généré autour de l’approvisionnement énergétique, fait fausse route en s’attaquant aux régions sauvages de nos Alpes, sacrifiant des paysages et une biodiversité unique».
Le président de Pro Natura Valais, Willy Geiger, estime qu’il est légitime que la population valaisanne puisse se prononcer: «Quand on parle avec les gens, on sent qu’il y a une certaine suspicion face à ces projets et le principe du «premier arrivé, premier servi». Derrière ces projets, il y a surtout une manne financière. Certains se demandent pourquoi aller planter ces parcs au milieu de nulle part. Celui de Grengiols se trouve dans le parc naturel de la vallée de Binn. C’est un endroit, où il n’y a ni route, ni infrastructures, ni raccordement au réseau. Nous privilégions des projets qui se focalisent sur des infrastructures existantes, qui ont un potentiel gigantesque et largement sous-exploité. Le Conseil d’État a d’ailleurs un rapport qui l’atteste».