VaudRomande Energie est-elle encore au service du bien public?
La députée socialiste Jessica Jaccoud interpelle le Conseil d’État vaudois sur la politique du gestionnaire de distribution de réseau.
- par
- Eric Felley
«Versement de dividendes ou maintien du pouvoir d’achat des ménages?» Telle est une des questions posées mardi par la députée socialiste vaudoise Jessica Jaccoud au Grand Conseil vaudois. Dans une interpellation cosignée par une trentaine de ses collègues de gauche, elle pose une série de questions sur la politique de Romande Energie, un des plus importants gestionnaires de réseau de distribution (GRD) en Suisse romande avec 300’000 clients.
Réserve hivernale et TVA
En août 2022, dans un contexte du marché très tendu, Romande Energie avait annoncé une hausse spectaculaire de ses tarifs d’électricité pour les ménages de 49% pour l’année 2023. Le 15 août dernier, la société a annoncé ses tarifs pour 2024. Le prix de l’électricité s’est stabilisé, mais la facture du consommateur va quand même augmenter à cause de l’introduction d’une nouvelle taxe fédérale et de la hausse de la TVA. Pour la première, il s’agit d’une ponction de 1.20 ct./kWh décidée par la Confédération pour constituer une réserve hivernale. Pour la seconde, la TVA passe de 7,7 à 8.1% dès le 1er janvier prochain. Romande Energie a calculé que pour un ménage standard de 4 personnes de Morges, l’augmentation sera de l’ordre de 3,9% ou 36 francs.
Dans son interpellation, Jessica Jaccoud s’étonne de cette nouvelle augmentation. Elle rappelle que le peuple suisse a refusé en 2002 la libéralisation du marché de l’électricité. Un des arguments du refus était «la nécessité de maintenir ce marché particulier en mains publiques afin de garantir le service public universel».
Optimisation des profits
Romande Energie regroupe un actionnariat essentiellement public. L’État de Vaud est le plus grand actionnaire avec 38,6%, puis on trouve le Groupe E, la Banque Cantonale Vaudoise, la commune de Lausanne et d’autres communes. Jessica Jaccoud relève que Romande Energie a pris ces dernières années, «des décisions qui laissent penser qu’elle oriente plus sa stratégie dans une optique d’optimisation des profits et de satisfaction des actionnaires, plutôt que de réaliser des objectifs de service public». En l’occurrence, en ce moment, de soutenir le pouvoir d’achat des ménages.
Dividende inchangé
La socialiste estime que la société «aurait pu faire le choix d’absorber ces hausses afin de ne pas faire supporter aux ménages romands de nouvelles augmentations du prix de l’électricité. Ce d’autant que le Groupe Romande Energie a annoncé le 31 août 2023 une forte hausse de son chiffre d’affaires». Tandis que les ménages voient leur participation à la hausse, les actionnaires ne sont pas touchés. Pour 2022, il a été décidé de verser un dividende de CHF 36 fr. par action (soit 36,9 millions de francs au total): «Ce montant est identique à celui versé en 2021, note-t-elle. Quoi qu’il advienne sur le marché, les actionnaires sont préservés avec le versement de dividendes inchangés alors que les particuliers subissent les augmentations de coûts».
Jessica Jaccoud interpelle donc le Conseil d’État avec les questions suivantes: «L’objectif de la Romande Energie est-il de servir les intérêts des actionnaires ou de mettre en œuvre une politique publique déterminée par les collectivités publiques? Les collectivités publiques étant actionnaires majoritaires de la Romande Énergie, participent-elles activement à la définition de la stratégie de l’entreprise?»
Pourquoi fait-elle des bénéfices?
Le Conseil d’État va répondre ultérieurement à ces questions. En attendant, Romande Energie a déjà donné son point de vue lors de la présentation des résultats du 1er semestre en posant elle-même la question: «Pourquoi les tarifs augmentent alors que Romande Energie fait des bénéfices?» D’une part, elle dit avoir droit à une marge fixe avalisée par la Commission fédérale de l’électricité, qui se monte en 2023 à 75 francs par compteur et par an.
D’autre part, elle insiste sur le fait que l’augmentation des tarifs 2024 ne porte pas sur la «part énergie» de la facture, mais sur la taxe pour la réserve et la TVA. Et c’est un moindre mal car l’Association des électriciens suisse, AES, a annoncé une hausse moyenne de 12% en 2024: «Romande Energie se situe donc nettement en dessous», conclut-elle.