BasketballAprès Lions – Lugano, autopsie du naufrage genevois
Humiliés 48-23 en 2e mi-temps par l’avant-dernier de SB League, samedi, les Lions de Genève s’enfoncent dans la crise. Le coach, Andrej Stimac, reste aux commandes.
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Avec 24 points, Eric Nottage a été le seul Genevois à surnager samedi contre Lugano.
Gracio Da Silva EdgarIl faut espérer que les prochaines semaines ne lui donneront pas raison. Lorsque l’on a demandé à Justin Solioz, samedi soir, après le naufrage à domicile contre Lugano (62-77), si ses Lions avaient touché le fond, le meneur de jeu remplaçant a eu ces mots, terrifiants pour les pensionnaires du Pommier. «Je ne veux pas utiliser cette formule car on peut toujours creuser plus bas… Mais c’est certain: on traverse une période de crise.»
Pas de plan B
Au sortir de cette affiche face aux Tigers, il y a d’abord des chiffres, implacables. Au terme d’une première mi-temps bien contrôlée, les Genevois, qui ont compté jusqu’à 15 longueurs d’avance, avaient quasi autant tiré à 2 points (19) que derrière l’arc (16). Un signe avant coureur de l’orage qui allait venir…
Car s’en remettre à l’adresse, c’est bien, mais c’est aussi dangereux. Si elle a été plutôt au rendez-vous pendant 20 minutes, elle a ensuite abandonné les hommes d’Andrej Stimac, qui se sont entêtés à shooter de loin pour creuser leur propre tombe (0/13 en 2e mi-temps), sans jamais mettre sur pied ne serait-ce que le début d’un plan B.
«On a pensé qu’on allait finir par trouver notre rythme derrière l’arc, que c’était la solution à tous nos problèmes. Mais on en a oublié d’être agressifs, a réagi le technicien, dépité. Il fallait trouver un moyen de donner le ballon à nos joueurs intérieurs. Faire 4 passes décisives en seconde période, c’est inadmissible.»
Avec 13,6 assists en moyenne par match, les Lions sont d’ailleurs l’une des pires équipes de la Ligue dans ce secteur. Signe que collectivement, c’est d’une pauvreté abyssale.
Pas de leader
Il y a ensuite eu ce manque de révolte, flagrant, qui a sauté aux yeux lors des deux «runs» de Lugano - un 10-0 puis un 15-0. À ce moment-là, le public genevois aurait sûrement aimé voir des cadres qui prennent la parole, qui secouent le cocotier par la voix, qui rassemblent un groupe en perdition en passant le bras au-dessus de l’épaule du copain.
Et bien non, rien de tout cela ne s’est produit. On a surtout vu des solistes la tête basse qui ont joué leurs partitions à tour de rôle. Les quatre étrangers – Eric Nottage, Scott Suggs, Eric Adams et Dragan Zekovic – sont bourrés de talent. Mais ce ne sont pas des leaders. Du moins pas à Genève.
«On espérait que certains émergent naturellement, mais ce n’est pas le cas, concède le président Imad Fattal. Et si tu n’as pas de leader, tu ne peux pas avoir de hiérarchie dans une équipe. On le constate notamment avec nos role players, qui n’arrivent pas à se sublimer.»
Justin Solioz recadre. «Des professionnels n’ont pas besoin d’entendre: «maintenant, fais ton travail.» Cela doit venir de nous, notre attitude doit changer. Nous ne pouvons pas demander aux gens de payer 20 francs pour assister à un spectacle pareil.»
Un coach conforté
La mine démolie, Andrej Stimac a répondu avec franchise à une question, désagréable mais de circonstance. «Si je suis menacé? Je donne tout ce que j’ai pour ce club. Mais si mon maximum ne suffit pas pour le groupe, face à cette situation, je l’accepterais, a-t-il dit, avant de se reprendre. Je reste persuadé que notre travail va finir par payer.»
Samedi soir, Imad Fattal s’est assis une demi-heure à une table avec son coach et son assistant Ivan Stanisak. Pour discuter, comprendre, trouver des solutions à ce marasme. Pas pour débarquer le binôme de ses fonctions. «Je ne vois pas cela comme un levier qui pourrait amener un changement majeur. Le problème est plus profond, a concédé le président. Andrej a ma confiance et finira la saison. Avec tout ce qu’il a fait pour ce club, il ne mérite pas de sauter à trois mois de la fin de son contrat. Je sais qu’il travaille comme un fou. Et pourquoi le virer lui et pas les joueurs?»
En première ligne, Justin Solioz abonde. «Andrej a mon soutien total. Il faut l’aider, pas le pointer du doigt. Ce n’est pas lui qui est sur le terrain et qui prend tous ses tirs rapides ou ne passe pas le ballon.»
Et maintenant?
Avec 8 victoires pour autant de défaites, les Lions sont désormais 4es de SB League, à la lutte pour l’avantage du terrain en play-off avec le BBC Nyon. Bref, très loin de leur lustre d’antan et des meilleures formations du pays, Fribourg ou Massagno.
«On ne cherche pas à gagner le championnat. Aujourd’hui, nous ne sommes pas au niveau d’Olympic sur une série en 5 matches», reconnaît Imad Fattal. Le hic, c’est que ces play-off sont la seule échéance avec laquelle Genève peut espérer sauver sa saison. «C’est ce qui me fait peur, lorsque tu n’as plus grand-chose à jouer: les joueurs commencent à être égoïstes, à penser à leurs statistiques pour décrocher un futur contrat. C’est comme ça que l’on fout en l’air un club et je ne veux pas de ça ici.»
L’avenir immédiat, c’est un derby, mardi, à Nyon justement. «C’est déjà une confrontation assez énorme pour nous. Il ne faut pas y aller la peur au ventre, car cela paralyse. Surtout, on veut voir une réaction d’orgueil des joueurs. J’ai envie de leur dire, oubliez le club, vos contrats. Y a-t-il un cœur qui bat sous votre maillot?» Réponse mardi, au Rocher.