FranceIls identifient des soldats morts il y a cent ans pour les inhumer dignement
Bouts d’uniformes, bottes, médailles ou gourdes peuvent permettre de trouver le nom de soldats morts pendant la Première Guerre mondiale, quand leurs dépouilles sont retrouvées en France.
Au moins 600’000 soldats morts lors de la Première Guerre mondiale restent portés disparus en France, enfouis sans sépulture. Si le passage du temps rend la tâche plus complexe que dans la série télévisée américaine «Les Experts», certaines dépouilles retrouvées peuvent être identifiées.
Première étape: déterminer qu’il s’agit bien d’un soldat de ce conflit. L’état de la dépouille et les restes d’uniformes ou d’équipements permettent de confirmer qu’il ne s’agit pas d’un squelette plus ancien ni d’une scène de crime. Il faut ensuite déterminer la nationalité du soldat.
«Les preuves majeures, ce sont les bottes en cuir avec des renforts en métal, qui se conservent très bien et sont caractéristiques du pays», souligne Stephan Naji, responsable de l’unité de récupération de la Commission des tombes de guerre du Commonwealth (CWGC). Son équipe basée dans le Pas-de-Calais est souvent mobilisée quand des dépouilles sont retrouvées.
Pour les soldats manifestement allemands ou français, les restes reviennent à l’Office des anciens combattants (ONAC) ou son homologue allemand, Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge. «S’il y a une plaque militaire nominative et une preuve de filiation, les descendants peuvent soit rapatrier le soldat dans son fief familial, soit laisser l’État l’enterrer dans une nécropole nationale», détaille Stéphane Jocquel, de l’ONAC. Les analyses ADN restent rares pour les combattants français.
Pour ceux issus de l’ex-empire britannique, dont 100’000 toujours portés disparus en France, la CWGC s’emploie à en identifier le plus possible. Boutons d’uniformes, insignes d’épaulettes et badges régimentaires constituent les premiers indices, ainsi que les gourdes ou sifflets portant le nom de l’unité militaire.
Mais tout doit être recoupé: certains soldats échangeaient leur badge en signe de camaraderie ou récupéraient des équipements de frères d’armes, comme les bottes australiennes, réputées de bonne qualité.
Les objets personnels – rasoir, fourchette, montre… – sont nettoyés avec soin pour dégager de possibles indices: poinçon industriel indiquant date ou lieu de fabrication, initiales gravées, etc.
Si le pays d’origine est confirmé, les informations sont transmises à ses autorités, qui épluchent alors leur liste de disparus pour comparer les données. Certains États, comme le Royaume-Uni, le Canada ou l’Australie, se lancent ensuite dans une recherche généalogique pour identifier des descendants, tests ADN à la clé, explique la CWGC.
Une telle identification prend plusieurs années. Mais en cas de succès, elle mène à une cérémonie militaire dans le cimetière du Commonwealth le plus proche, à laquelle sont invités les descendants. Lorsqu’il est impossible de le sortir de l’anonymat, le soldat est réinhumé avec les honneurs, sous une stèle gravée de l’épitaphe «connu de Dieu seul».
Selon Alain Jacques, directeur du service archéologie d’Arras (Pas-de-Calais), de 2 à 3% des dépouilles retrouvées sont identifiées.