Hockey sur glaceEn feu, le Dragon Nathan Marchon prend une nouvelle dimension
L’attaquant fribourgeois a franchi le plateau des dix buts. Et son influence sur le jeu de Gottéron ne cesse de croître.
- par
- Grégoire Surdez
Surtout, ne pas se réveiller. Que ce rêve continue. Le plus longtemps possible. «C’est clair que l’on ne se pose pas de question et que l’on profite des beaux moments que nous vivons tous ensemble.» Voilà des mots empreints de sagesse et de bon sens. Des mots de capitaine, en somme. Nathan Marchon marche sur l’eau et symbolise à la perfection la très belle saison des Dragons. Un savant mélange de travail, de talent, d’abnégation, de patience. Une équipe bâtie avec intelligence et malice, pensée par un General Manager devenu coach et qui sait très bien ce que le premier peut offrir au second. Et vice et versa.
Sur l’échiquier du Québécois, Nathan Marchon occupe une place de choix. L’attaquant, n’est plus ce petit pion issu des juniors. À 24 ans, il a pris du galon. Parfois cavalier, parfois tour, souvent fou, le Fribourgeois est utilisé à toutes les sauces. «J’ai commencé la saison à l’aile du troisième bloc avec Mauro Jörg et Samuel Walser et ça s’est super bien passé. J’ai eu ensuite la confiance de l’entraîneur qui m’a mis dans le premier bloc avec David Desharnais et «Kiki» (ndlr: Killian Mottet). C’est sûr que quand tout roule, c’est comme dans un cercle vertueux.»
Rien n’a changé
À témoin ce dernier match, lundi soir contre Langnau, durant lequel il a inscrit deux buts pour franchir pour la première fois de sa carrière le plateau des dix buts (11 en 31 matches). Cette marque est assez symbolique et vous place un joueur à un tout autre niveau sur le carnet de commandes des directeurs sportifs de tout le pays. «C’est vrai que c’est sympa mais je n’y avais même pas pensé sur le moment. On me demande souvent si j’ai changé quelque chose cette année. Mais non, je pense que ce qui m’arrive est dans l’ordre des choses. Je ne travaille pas plus qu’avant. J’ai d’ailleurs toujours été un gros bosseur. C’est vraiment le fruit d’un travail d’équipe. Et puis, j’ai aussi plus d’expérience. Je ne suis plus le junior qui essaie de se faire une place. J’ose plus. Que ce soit sur la glace ou dans le vestiaire où je prends parfois la parole.»
Nathan Marchon profite d’un contexte idéal pour franchir enfin ce cap qui fait de lui un vrai joueur de National League. Fribourg a su se montrer patient. À l’instar de Killian Mottet, le voilà qui explose les compteurs offensifs presque sur le tard. «Il était temps, rigole-t-il. Je vais vers mes 25 ans et c’est bientôt la trentaine qui va se rapprocher! Je commence à avoir une certaine forme de maturité. Avec une pointe de réussite, cela donne cette belle saison que je vis.» Sous contrat jusqu’en 2023, Marchon patine l’esprit léger. Reste qu’avec de telles performances, il devrait vite devenir un dossier prioritaire pour Christian Dubé qui apprécie ce joueur formé au club. Et qui a pris une nouvelle dimension.
S’il en fallait encore la confirmation, Nathan Marchon l’a reçue sous la forme d’un sacré cadeau de la part de son coach. «Il m’a nommé capitaine lorsque Julien Sprunger a été blessé, sourit-il. Je ne m’y attendais vraiment pas car en général, ce sont les assistant qui prennent ce rôle. Mais le coach a fait ce geste en me disant que je le méritais. J’ai à peine eu le temps de préparer mon speech et je me suis présenté devant l’équipe. C’est une soirée qui restera gravée en moi à jamais. Vous imaginez, un soir de derby contre Berne, à guichets fermés. Avec en plus une victoire au bout…»
Le discours de Dubé
Christian Dubé sait parler à ses ouailles. Il sait «taper» quand il le faut. Et donner aussi. «On l’a connu tout d’abord comme, joueur puis General Manager. Il est ensuite devenu coach, témoigne le No 97 des Dragons. C’est quelqu’un qui n’avait pas l’expérience du coaching mais il a été joueur – et quel joueur d’ailleurs –, et sait avoir le bon discours. Il s’adapte au caractère des uns et des autres et il peut ainsi appuyer sur les bons boutons de chacun pour faire progresser tout son groupe. Par rapport à ses débuts, je dirais qu’il est moins dans l’émotionnel.»
C’est peut-être un soir de déculottée mémorable à Davos, en janvier 2020, que Christian Dubé est devenu un coach respecté. En passant un savon mémorable à ses joueurs par l’intermédiaire des médias, il a créé un point de bascule dans la vie de son équipe. «Avec le recul, on se rend compte que depuis cette soirée très désagréable, car ce n’est jamais amusant de se prendre une brossée, nous avons construit petit à petit ce que nous sommes. On avait tout d’abord terminé la saison en se qualifiant pour les play-off en partant de très loin. Malheureusement, le Covid avait mis un terme prématuré à cette saison-là. Et l’an dernier, on fait cette fois un championnat très solide. Jusqu’à cette élimination contre Genève en quart de finale qui nous a fait mal. Mais ça, on ne veut plus y penser et, depuis, on va de l’avant.»
Le doute n’a pas sa place dans le vestiaire d’une BCF Arena qui a une tout autre allure lorsqu’elle est pleine comme un œuf. «Quel plaisir d’évoluer dans de telles conditions devant notre public, dit Nathan Marchon. Nos fans nous amènent clairement ce petit plus lors de chaque match. Ils font aussi partie de notre réussite et savent se montrer patients lorsqu’on joue un peu moins bien. Car ça aussi, c’est nouveau cette saison et nous arrivons à faire basculer en notre faveur des matches que nous perdions par le passé. On a pu le voir contre Langnau. On n’est pas très bons pendant dix minutes mais jamais on ne panique.»
Au centre du jeu
Gottéron, la force tranquille, semble avoir toujours la solution à ses déboires. Quand il y a des blessés, Christian Dubé trouve très vite les bons ajustements. Il doit cette réussite à la capacité d’adaptation de joueurs comme Nathan Marchon. Placé au centre pour la première fois de l’hiver contre Langnau, le Fribourgeois s’est remis dans le bain comme si de rien n’était. «C’était ma position en junior, rappelle-t-il. Je n’y ai pas perdu mes repères. Après, c’est vrai que pour faire son chemin en National League, il faut aussi accepter de jouer ailleurs et d‘assumer différents rôles. Pour ce qui me concerne, j’ai autant de plaisir en box-play qu’en power-play, qu’au centre du 3e bloc ou à l’aile du 1er.»
Des sourires sur des visages. Sur la glace et dans les gradins. L’année des Dragons se termine ce mercredi soir contre Lugano. Un dernier tour de piste pour mieux s’asseoir sur le trône. «On va profiter de ce dernier match devant notre public car la situation sanitaire semble fragile», conclut Nathan Marchon.
À Fribourg, encore plus qu’ailleurs, personne n’a envie de se réveiller.