ONULes États-Unis vont faire leur retour au Conseil des droits de l’homme
L’Assemblée générale des Nations Unies doit officialiser jeudi les nouveaux membres du Conseil des droits de l’homme, avec 18 candidats pour 18 sièges à pourvoir.
Les États-Unis font cette année leur retour au Conseil des droits de l’homme de l’ONU près de 4 ans après leur départ tonitruant, une absence dont a profité Pékin pour trouver des soutiens et adopter une posture plus offensive.
L’arrivée prévue de l’Érythrée dans le cénacle de 47 membres pose à nouveau la question de la présence de régimes autoritaires violant les droits humains au sein de la plus haute instance des droits de l’homme de l’ONU. L’Assemblée générale des Nations Unies doit élire jeudi les nouveaux membres du CDH, mais les jeux sont faits puisqu’il y a 18 candidats pour 18 sièges à pourvoir.
«Les Chinois et tous ceux qui fondamentalement ne sont pas en faveur des droits de l’homme tels que les Européens les conçoivent (…) opposent des droits économiques, sociaux et culturels. Cela ne date pas de maintenant, mais la tendance se renforce indéniablement», a déclaré à l’AFP un diplomate européen. Selon un autre diplomate européen, «l’objectif de la Chine est simple: détruire le concept d’universalité des droits de l’Homme et faire valoir une vision conforme à son système politique».
Polarisation croissante
La Chine et ses partenaires, dont le Bélarus et le Venezuela, ont multiplié ces dernières années les déclarations conjointes soutenant l’action de Pékin à Hong Kong, au Xinjiang et au Tibet, et dénoncé «les violations des droits humains» dans les pays occidentaux, y compris contre les autochtones canadiens.
Face à cette polarisation croissante, certains craignent que le retour des Américains renforce cette tendance, même si d’autres soulignent que les États-Unis n’ont pas eu besoin d’être présents dans la salle pour exercer leur influence.
«Avec la présence des 5 membres du Conseil de sécurité dans le Conseil des droits de l’homme, on peut penser effectivement que les Chinois et les Américains ne se feront pas de cadeaux (et) utiliseront le Conseil comme une des arènes où ils exposeront leurs rivalités», a souligné le premier diplomate européen.
«Beaucoup de pays en ont assez»
À la tête du think tank Universal Rights Group à Genève, Marc Limon, regrette que les États-Unis «se sont essentiellement concentrés sur la Chine» depuis leur retour comme observateur au CDH cette année. «Beaucoup de pays en ont assez parce qu’ils ne veulent pas voir le système multilatéral pris en otage», a-t-il dit à l’AFP, en appelant Washington à élargir les thématiques pour récupérer le soutien de pays en développement désormais tournés vers Pékin.
L’ambassadeur chinois auprès de l’ONU à Genève, Chen Xu, espère lui que les États-Unis, une fois membres du Conseil, puissent «mener un dialogue constructif et essayer de ne pas faire des droits humains un instrument politique».
«Nous sommes nous-mêmes prêts à poursuivre cette approche consistant à promouvoir le dialogue, à s’opposer à la politisation, à essayer de mettre davantage l’accent sur les besoins des pays en développement», a-t-il indiqué aux journalistes accrédités auprès de l’ONU à Genève (ACANU).
«Mascarade électorale»
Les membres du CDH, où les sièges sont répartis entre 5 groupes régionaux, sont élus pour 3 ans à la majorité absolue, à bulletin secret. Chaque année, seul un tiers du Conseil est renouvelé. Parmi les candidats figurent notamment l’Inde, le Qatar et le Kazakhstan.
Les ONG ont accusé les groupes régionaux d’avoir présenté le même nombre de candidats que de sièges vacants – une «mascarade électorale» pour l’ONG UN Watch – et de ne pas avoir mis un frein à la candidature de pays autoritaires. Il en va de la «responsabilité» des régions, a indiqué à l’AFP le directeur à Genève de l’ONG Human Rights Watch, John Fisher, ciblant les candidatures de l’Érythrée, du Cameroun et des Émirats arabes unis.
HRW et l’International Service for Human Rights (ISHR), une ONG à Genève, ont d’ailleurs appelé à ne pas voter en faveur des pays qui violent notoirement les droits humains. La présence de tels pays au Conseil est l’une des raisons qui ont poussé l’administration Trump à quitter l’institution en juin 2018, en l’accusant d’hypocrisie et de s’acharner contre Israël.
Et si le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a souligné cette année l’importance du Conseil notamment pour attirer rapidement l’attention sur des crises, il ne l’en a pas moins encouragé «à se pencher sur sa manière de fonctionner».