InterviewPatricia Arquette: «Le plus dur a été de vendre cette série»
La comédienne est la star et coproductrice de «High Desert», une comédie policière hallucinée sur une toxico magouilleuse barrée reconvertie en détective privé. À voir sur Apple TV+.
- par
- Miguel Cid
Elle aime passionnément le cinéma mais, ces derniers temps, Patricia Arquette s’est surtout illustrée sur le petit écran. Révélée il y a trente ans par l’inoubliable «True Romance» et oscarisée en 2015 pour «Boyhood», celle qui fut déjà une star de télé avec «Medium» (2005-2011) enchaîne désormais les séries louées par la critique.
À l’affiche de «Severance» (dont on attend la saison 2), récompensée d’un Emmy pour «The Act» et d’un Golden Globe pour «Escape at Dannemora», l’actrice américaine de 55 ans est la vedette et coproductrice de «High Desert», en ligne depuis mercredi 17 mai sur Apple TV+. Une comédie policière foutraque en huit épisodes campée dans une petite ville désertique californienne. Patricia Arquette s’y éclate dans le rôle de Peggy Newman, une toxico sous méthadone foldingue qui s’efforce de remettre sa vie sur les rails en s’improvisant détective privé et en s’éloignant de son escroc de mari (Matt Dillon). Interview de la star du clan Arquette.
Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce rôle?
Peggy est quelqu’un d’imparfait, une toxico intermittente et magouilleuse au cœur d’or. J’ai adoré tous les personnages dans cette histoire. J’ai trouvé qu’ils étaient comme des versions augmentées de différents individus que j’ai rencontrés au cours de ma vie. Et puis j’avais envie de rire. Je trouve qu’on a sacrément besoin de ça en ce moment.
Comment vous êtes-vous glissée dans la peau du personnage et son problème d’addiction?
Il y a un truc dysfonctionnel chez Peggy, comme si inconsciemment une partie d’elle-même désirait quitter son corps. Elle voit encore les choses comme une toxico, en considérant comment elle peut plier le monde à ses besoins. Mais elle a aussi un côté magnifique qui souhaite s’occuper des autres et collectionne ainsi des oiseaux blessés, pour ainsi dire. En fait, le personnage est librement inspiré de la sœur de notre scénariste Nancy Fichman, qui est décédée et était une addict au cœur d’or. Il m’a semblé important de célébrer sa vie et ce mécanisme de survie que possèdent les magouilleurs. Peggy et son mari, Denny, vont vraiment bien ensemble pour le meilleur et pour le pire. Il est un peu comme sa kryptonite.
Matt Dillon, qui incarne Denny, est de votre génération. Pourtant, c’est la première fois que vous jouez ensemble. Comment ça s’est passé?
Cela me semble surréaliste parce que je me souviens d’avoir vu Matt dans des films quand j’étais petite et tout le monde en pinçait pour lui. C’est bizarre parce qu’on ne s’était jamais rencontrés, jusqu’à ce qu’on décroche nos rôles. Je souhaitais bosser avec lui depuis toujours, mais cela ne s’était jamais concrétisé. Quand la directrice du casting a mentionné son nom, je me suis exclamée: «C’est une idée de génie! Est-ce qu’on pourrait vraiment l’avoir? » Il y a quelque chose chez Matt que je reconnais en moi. Peggy et Denny ont aussi ces atomes crochus, donc cela tombait bien.
Quels défis vous a posé ce rôle?
Le plus dur pour Peggy, c’est de perdre sa mère. Une mère qui est aussi son bébé quelque part parce que quand son père a abandonné la famille, Peggy est devenue une sorte de figure paternelle. Elle a fini par s’occuper de sa mère, une maman qui l’aime et ne la juge pas. Et donc quand sa mère meurt, elle perd quelqu’un qui l’aimait réellement et c’est une grande douleur pour elle. Peggy souffre aussi beaucoup de ses rapports avec son frère et sa sœur, qui ont une mauvaise image d’elle. Mais le plus dur pour moi a été d’essayer de vendre cette série pendant des années. On peut écrire un scénario génial mais ne pas trouver de chaîne télé pour l’acheter.
Vous vous êtes distinguée dans des séries dernièrement. C’est sur le petit écran que l’on déniche les meilleurs rôles aujourd’hui?
Le cinéma traverse une période vraiment difficile et étrange actuellement. Il n’y a plus beaucoup de salles où montrer des films, et je trouve ça réellement triste. J’espère que cela va changer et que les gens retourneront dans les salles obscures. Entre le basculement vers la télévision et le streaming, la pandémie et les écrans de télé aussi grands que le mur du salon, le cinéma s’est effondré. Écoutez, il existe de formidables opportunités à la télé et je suis de celles qui en ont le plus profité. Mais j’aime aussi profondément le cinéma et je ne veux pas qu’il meure dans les salles obscures. J’ai envie que les films soient vus dans ce cadre-là, et pas seulement des superproductions cartoonesques mais aussi des films d’auteur.