EnvironnementLâchers de hamsters pour compenser l’impact négatif d’une autoroute
L’exploitant d’une nouvelle autoroute autour de Strasbourg a tenu son engagement. En échange de l’exploitation d’une nouvelle autoroute et son impact environnemental, il a contribué à la réintroduction de 60 spécimens de cette espèce emblématique de l’Alsace.
Une autoroute certes, mais des hamsters en plus: le groupe français Vinci, qui exploite une nouvelle autoroute à l’impact environnemental controversé dans l’est de la France, a dû s’engager, pour compenser, dans un programme de réintroduction du grand hamster d’Alsace, espèce emblématique à l’habitat menacé par l’activité humaine.
À Ernolsheim-Bruche, à une vingtaine de kilomètres de la frontière allemande, 60 grands hamsters doivent être réintroduits ce matin-là. Sous un soleil de plomb, les petits mammifères au museau constellé de taches blanches attendent, dans une cage en bois, d’être libérés dans une parcelle de blé. La trappe s’ouvre, et le «cricetus cricetus», nom scientifique du rongeur, tombe dans le terrier d’environ 80 cm de profondeur creusé au préalable, immédiatement recouvert de paille agglomérée.
En danger critique
«Le but, c’est qu’ils ressortent le soir venu, lorsqu’il y aura moins de risques d’attaques de rapaces», explique Célia Schappeller, soigneuse au sein de l’association Sauvegarde faune sauvage, qui a élevé les hamsters en captivité. Aussi connu comme «hamster d’Europe», l’animal est classé en «danger critique d’extinction» par l’Union internationale pour la conservation de la nature. Une clôture électrique est aussi là pour éviter les prédateurs terrestres: renards, blaireaux ou même chats.
Sur trois hectares, l’opération se répète selon un plan méthodique pour éviter la consanguinité dans les terriers et en respectant une alternance mâle-femelle pour susciter les rencontres fécondes. «Notre opération a pour objectif de renforcer les populations existantes», confirme Arnaud Guillemain, le responsable environnement de Vinci Autoroutes. Les lâchers se font à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de la nouvelle autoroute A355, le controversé grand contournement ouest de la ville de Strasbourg.
Pas de maïs pendant dix ans
Cette double voie à péage de 24 km, destinée à désengorger la ville, a été inaugurée en décembre, après plus de 40 années de controverses et d’oppositions locales. Elle est le premier projet d’infrastructure en France, né avec une obligation légale de compenser la perte de biodiversité, depuis une loi de 2016.
«Ayant construit l’autoroute sur des parcelles agricoles, notamment avec des champs de blé, qui sont l’habitat du grand hamster, nous avons compensé sur d’autres parcelles de blé», résume Arnaud Guillemain. Ce mécanisme initié en 2017, lors du début des travaux, a déjà permis la réintroduction de 800 spécimens.
Le premier groupe de concessions autoroutières de France s’est lié à «des dizaines d’agriculteurs», qui s’engagent à ne pas cultiver de maïs pendant dix ans, une culture qui pousse les femelles au cannibalisme, mais à maintenir plutôt du blé ou de la luzerne sur pied, favorables au «Kornferkel», le nom du grand hamster en alsacien, littéralement «petit cochon des céréales».
«Un bon indicateur»
Espèce «parapluie» ou «sentinelle», «le hamster est un bon indicateur de la viabilité d’un système agricole», indique Timothée Gérard, dont la thèse en biologie, réalisée avec le CNRS et l’Université de Strasbourg, est financée par Vinci Autoroutes. «Les traitements actuels des champs», liés à l’agriculture conventionnelle, font qu’il y a «une diminution de la qualité des sols assez importante, avec des communautés d’insectes qui disparaissent».